Comme Mikelima cherche une réponse théorique, en voici une. J'ai fait des hypothèses simplificatrices - il faut bien savoir résoudre les équations : elle est donc fausse...mais "démontre" que Philippe comme Flyjodel sont dans le vrai.
Profil optimal de vol
L’objectif est de déterminer quel est le meilleur profil de vol théorique pour une croisière en niveau : faut-il monter vite pour bénéficier rapidement de l’amélioration de la vitesse propre due à l’altitude ou lentement pour ne pas trop dégrader la vitesse ? L’approche est analytique.
Equation de Lagrange
Considérons un voyage sur une distance S. Supposons le vent nul et les aérodromes de départ et d’arrivée situés au niveau de la mer. Appelons s la distance parcourue depuis le début du vol : s varie de 0 à S. Appelons V(s) la vitesse (TAS) de vol, Vz(s) le vario et h(s) l’altitude de vol en s (on a h(0) = h(S) = 0). Notons ĥ = dh/ds la pente du vol et remarquons que ĥ = Vz/V.
Pour une puissance constante donnée (disons 75% de la puissance), la vitesse (TAS) de vol V varie avec l’altitude et la pente du vol : V = V(h,ĥ). La question est alors de trouver le profil d’altitude optimal h(s) qui minimise la durée de vol. Or cette durée de vol est T = ∫(0,S) 1/V(s)ds. Le problème revient à déterminer la fonction h(s) qui minimise T = ∫(0,S) 1/V(h(s),ĥ(s))ds, c’est-à-dire la fonction h qui minimise l’action A(h) = ∫(0,S)L(h,ĥ)ds, L = 1/V étant un lagrangien. La solution est donnée par l’équation d’Euler-Lagrange (les dérivées partielles sont notées ∂) :
(1) d/ds(∂L/∂ĥ) – ∂L/∂h = 0.
Comme L = 1/V, (1) s’écrit : d/ds(∂(1/V)/∂ĥ) = ∂(1/V)/∂h, soit : d/ds(– 1/V² ∂V/∂ĥ) = – 1/V² ∂V/∂h. En développant et en multipliant par V3, on a :
(2) 2(dV/ds).(∂V/∂ĥ) + V.(∂V/∂h – d/ds(∂V/∂ĥ)) = 0
Résolution analytique d’un cas simplifié « du premier ordre »
Choisissons une expression très simple de V, fonction de la vitesse TAS de croisière rapide en palier MSL notée Vc et du premier ordre en h et ĥ :
(3) V(h,ĥ) = Vc (1 + bh – cĥ).
Limites de validité
Cette expression n’est pas complètement réaliste. D’abord, la vitesse TAS croit continûment avec l’altitude sans tenir compte de la perte corrélative de puissance du moteur (notion d’altitude de rétablissement).
Ensuite, déterminons Vz en fonction de V. De (3) on tire V = Vc (1+bh–cVz/V), d’où Vz = V/c (1+bh–V/Vc). Vz s’annule en V = 0 et V = Vc (1+bh). Vz est maximal quand V = (1+bh)Vc/2 (sommet de la parabole en V) et vaut alors Vzmax = (1+bh)Vc /4c. Notons que l’on peut estimer c à partir de Vz0, vario maximum à MSL :
(4) c = Vc / (4Vz0).
Vz a bien un maximum correspondant à la vitesse de meilleure montée qui vaut Vc/2 pour h = 0, plutôt que ~ 60% de Vc comme l’indiqueraient la plupart des manuel de vol. Mais Vzmax augmente avec h, ce qui est contraire à la réalité : c’est ici la deuxième limite importante de ce modèle simplifié.
Calcul des éléments du vol
En dérivant V(h,ĥ) selon (3) : dV/ds = Vc (bh’– ch’’), ∂V/∂h = bVc, ∂V/∂ĥ = –cVc et d/ds(∂V/∂ĥ) = 0. (2) s’écrit alors : 2Vc (bh’–ch’’).(–cVc) + Vc (1+bh–ch’)(bVc – 0) = 0 d’où, en divisant par (cVc)² :
(5) 2h’’– 3(b/c)h’+ (b2/c2)h + b/c2 = 0.
Déterminons d’abord le profil du vol. L’équation différentielle (5) est linéaire du second ordre. Posons k = b/c. Le discriminant de 2X2–3kX+k2 est 32k2–4.2 k2 = k2 et les racines sont k = b/c et k/2 = b/2c. Si b est nul (5) s’écrit h’’ = 0 et les solutions sont alors h(s) = ms + n. Si b est non nul, h(s) = –1/b est solution et les solutions de (5) sont alors h(s) = m.eks + n.eks/2 – 1/b. On suppose dans la suite b non nul.
Posons Y(s) = eks/2 et p = e–kS/2. On voit que h = h(Y) = mY2 + nY – 1/b est un polynôme de degré 2 en Y. Les conditions h(0) = h(S) = 0 imposent pour h(Y) les racines Y(0) = 1 et Y(S) = 1/p. h est donc de la forme h(s) = q(Y – 1)(Yp –1) et, par identification, q vaut –1/b. Ainsi :
(6) h(s) = (1/b)(Y– 1)(1– pY) = (1/b).(–pY2 + (1+p)Y – 1) et le profil du vol est donné par :
(7) h(s) = (1/b).(eks/2– 1).(1 – ek(s/2–S/2)).
Déterminons l’altitude maximale. Elle est atteinte pour Y = ½(1+1/p), le milieu de la parabole h(Y). Alors h = (1/b)(½(1+1/p)–1)(1–½p(1+1/p)) = (1/4b)(p – 1)2/p = (1/4b)(p1/2 – p–1/2)2.
(8) hmax = (1/4b)(ekS/4 – e–kS/4)2. Les puristes écriront (8.1) hmax = 1/b sh2(bS/4c), sh étant le sinus hyperbolique.
Déterminons ensuite la vitesse sol. Calculons d’abord h’ = dh/ds = (dh/dY).Y’ = (1/2c)(–2pY+p+1)Y car Y’ = dY/ds = (k/2)Y et k = b/c.
On peut alors calculer V = Vc (1+bh–ch’) = Vc (1+(b/b)(–pY² +(1+p)Y–1) – (c/2c)(–2pY+1+p)Y) = ½Vc (1+p)Y. Ainsi :
(9) V = ½Vc (1 + e–kS/2)eks/2. De plus : (9.1) V(0) = ½Vc (1+e–kS/2) et (9.2) V(S) = ½Vc (1+ekS/2).
Déterminons le vario. Vz = Vh’ = ½Vc (1+p)Y(1/2c)(–2pY+1+p)Y = Vz0(1+p)(1+p–2pY)Y2 car, selon (4), Vc/4c = Vz0. Comme Y(0) = 1, le vario initial vaut Vz(0) = Vz0(1–p2), d’où :
(10) Vz(0) = (Vc/4c)(1 – e–kS) = Vz0.(1 – e–kS).
Comme Y(S) = 1/p, le vario à l’arrivée vaut Vz0(1+p)(1+p–2)/p2 = Vz0(1–1/p2), donc :
(11) Vz(S) = – (Vc/4c)(ekS – 1) = – Vz0.(ekS – 1).
Profitons-en pour calculer aussi la pente à l’arrivée. h’(S) = (1/2c)(–2pY(S)+p+1)Y(S) = (1/2c)(1–1/p) car Y(S) = 1/p. Comme c = Vc/(4Vz0), on a :
(11.1) pente d’arrivée = – 2(ekS/2 – 1).Vz0/Vc.
Il nous reste à calculer la durée du vol T = ∫(0,S)ds/V(s). Or V = ½Vc(1+p)Y et 1/Y(s) = Y(–s).
Calculons ∫(0,S)Y(–s)ds = ∫(–S,0)Y(t)dt = (2/k) (Y(0) – Y(–S)) = (2/k)(1 – p) car Y’ = (k/2)Y. D’où : T = 4/kVc (1–p)/(1+p), soit :
(12) T = (4c/bVc) (1 – e–kS/2) / (1 + e–kS/2). Les puristes écriront : (12.1) T = (4c/bVc) th(bS/4c) = 1/bVz0 th(bVz0 S/Vc), th étant la tangente hyperbolique.
Estimation simplifiée du gain de temps
kS/4 n’est pas vraiment petit : 1/k représente la distance caractéristique du problème et si S = 2/k, kS/4 vaut alors 0,5. Faisons tout de même un développement limité à partir de (12.1) en se reposant sur la « bonne » convergence de th : thx = x – x3/3 + o(x4), d’où T ~ 4/kVc ((kS/4) – (kS/4)3/3) ~ S/Vc (1 – (kS/4)2/3), soit :
(12.2) T ~ S/Vc (1 – b2S2/48c2).
En se reposant sur la « bonne » convergence de sh2x = x2 + o(x3), à partir de (8.1) on obtient aussi :
(8.2) hmax ~ bS2/16c2 et (12.3) T ~ S/Vc (1 – bhmax/3).
Le gain de temps relatif et l’altitude maximale croissent avec le carré de la longueur du parcours. Le gain de temps est de l’ordre du tiers du gain de temps correspondant au parcours de S à hmax…ou de l’ordre du gain de temps correspondant au parcours de S au tiers de hmax.
Illustration et discussion
Pour illustrer, prenons Vc = 50 m/s (~97kt) MSL et Vz0 = 4 m/s (~ 790ft/mn) MSL. Il est connu des pilotes privés que b est de l’ordre de 1% par 700ft ou par 200m, soit b ~ 5.10-5 (en m-1). Par (4), estimons c = Vc/4Vz0 = 50/4.4, soit c = 3,1 (sans unité si Vz et V tous deux en m/s). 1/k, distance caractéristique, vaut alors 62 km. Traçons le profil d’un vol de 100 km. On calcule alors Vz(0) = 3.2m/s ~ 640ft/mn et V(0) = 36 m/s (~70 kt), ce qui est vraisemblable.
On voit que la vitesse TAS augmente continûment : d’abord par diminution progressive du vario, puis grâce à l’altitude acquise et enfin par transformation de l’altitude en vitesse.
S/Vc vaut 2000 s, soit 33,3 mn et T vaut 1900 s (soit 31,7 mn). La vitesse TAS moyenne sur le parcours est ainsi de 52.6 m/s (~ 102 kt) pour une vitesse CAS MSL de 50 m/s : le gain de temps est de 5%. Pour ce faire, il a fallu monter jusqu’à hmax = 3374m…soit plus de 11.000ft. Ceci suppose le maintien de la puissance maximale continue jusqu’à 3374 m (~ 11.000ft), alors que l’altitude de rétablissement de nos moteurs est de l’ordre de 5000 - 7000ft pour 75% de la puissance. Enfin, le profil de descente est très « agressif » : dans le cas illustré, on arrive à destination à V(S) = 81 m/s soit ~ 157 kt, probablement au-dessus de la Vno, avec un risque fort d’empaffer la Vne et…de se faire mal aux oreilles. La pente d’arrivée est d’ailleurs de –20% : Banzaï !
Ainsi, ce vol n’est pas vraiment réalisable. Néanmoins, le résultat reste qualitativement intéressant :
Bons vols en niveau.
Richard