Mardi, départ vers Adélaïde via Bankstown et Melbourne. Comme d’habitude, vent de face à décorner les bœufs, dans les 60 kts dans le nez. Arrivée à l’aube à ADL. Tentative de sommeil, mais avec la chambre sur la rue, c’est mission impossible ! Vaseux toute la journée, mais bon, ce n’est pas grave, ce soir c’est retour à Brisbane en évitant Melbourne, et avec le vent arrière on sera au pieu à 1 heure du matin, la météo est bonne, y’a pas trop de soucis à se faire.
Mais à l’arrivée à Bankstown, changement de programme : un Métro II est en panne quelque part en brousse et ne peut assurer son service au départ de Brisbane. On nous demande donc de rejoindre Brisbane comme prévu, mais d’enchainer ensuite sur Mackay puis Townsville…
Je vous laisse regarder une carte, ce sont des distances énormes dans ce pays, on a du mal à s’y faire et l’ATR est un avion lent. Une Vp de 260 kts, mais comme en ce moment c’est ISA + 20°, la Vp chute à 235 kts. Va falloir sortir les rames. Et vous savez quoi ? 25 kts de face à partir de Brisbane.
A Brisbane, nous nous attendons à charger le fret du métro, mais l’occasion faisant le larron, nous voilà chargés ras la gueule et roule ma poule. Je demande au boss si un repas chaud et un café ne lui semblerait pas nécessaire, mais il ne semble pas comprendre ma demande. Son regard ressemble au vide ( je pouffe, j’ai des oranges dans mon sac et une barre de céréales)
Nous baillons à nous en décrocher la mâchoire, le jour rosit à notre droite, mais c’est encore loin. L’intérêt de ce genre de retard, c’est que toute la fin du vol se fait de jour. 30 minutes avant de descendre vers Mackay, le jour est là, et le pays se montre enfin. Ici, c’est vert, humide, très tropical comme dans les images.
J’interprète une arrivée à vue full speed sur la piste 32 qui nous tend les bras. Evidemment, pas de contrôle, que de l’auto info avec l’hélico de la police et le régulier qui se décale un peu pour nous laisser passer. Amusant, chez nous on réveillerait un Pierre-Hugues AFIS pour moins que ça.
Mon copilote apôtre des roulages rapides connaît le terrain comme sa poche et me donne les short cuts qui vont bien pour rejoindre une aire, où les TOLL’s men nous attendent pour décharger le métro qu’ils attendent (TOLL, c’est le client, le gros transporteur Australien).
Comme d’habitude, tout le monde approche l’avion alors que les hélices tournent encore, le beacon allumé etc. Ici, les règles sont très strictes…dans les livres et pour les pilotes. Les autres ne sont pas formés et ne savent pas qu’ils risquent leur peau.
- C’est quoi votre avion ?
- Un ATR 42
- C’est un Dornier ?
- Non, un ATR 42, un avion Français (j’allais pas leur expliquer que c’est un avion Franco Italien, même en France personne ne sait que le CN 235 est Indonésien à 35%...)
- Oui, mais de chez Dornier ?
Le fait est que le train d’atterrissage ressemble vaguement à celui du Do 228 qu’ils voient de temps en temps.
Bon, je laisse tomber. Ca me fait penser à l’autre inculte qui me demandait si nous parlions russe en France, convaincu que comme nous étions communistes nous parlions le russe.
Remarquez, une enquête récente a montré que 40% des américains croyaient que la seconde guerre mondiale avait opposé les Russes aux Américains. Pour être honnête, ça ne me fait pas rire.
Et nous voilà repartis pour Townsville, après avoir été dûment photographiés par tout le monde (il n’y a que 3 ATR en Australie). Les 180 derniers nautiques sont fastoches, il fait grand jour, grand bleu, le paysage est splendide et l’arrivée à vue régulée au DME (eh oui, ça existe) nous fait arriver entre le 737 de Virgin et un autre trafic qui vient des îles proches. Roulage efficace et nous nous garons à coté de l’ATR 42-500 de Macair, la Cie qui exploite le 3ème ATR d’Australie. Il nous faut encore « camper » l’avion, c’est à dire lui mettre tous ses caches, attacher les hélices, attendre que le déchargement soit fini pour fermer l’avion.
Bref nous finissons notre service 14 heures après l’avoir commencé, avec 7.50 de vol dans les pattes. Ce soir retour maison et dodo.
Anthony et moi roupillons 4 ou 5 heures, puis allons visiter la ville où il est né. Chaude, moite, tropicale, avec des drapeaux rouges sur toutes les plages. (Requins, Blue Bottle Fishes, et crocodiles égarés depuis les estuaires d’eau douce proches expliquent cela)
Retour home pour une petite sieste interrompue par le téléphone qui nous annonce le programme de ce soir. Ce sera Townsville- Bankstown direct, puis Adélaïde direct. 950 Nm pour la première branche, et 675 pour la deuxième. Ils sont fous à lier…retour demain de Adélaïde par le 737 de Virgin !
Mais Anthony et moi sommes une équipe soudée, et comme lui habite à Adélaïde, c’est pas plus mal comme ça. On se prend des tours de garde, avec le réveil dans la main et à Bankstown, on s’octroie un repas que je concocte avec les provisions achetées au départ.
La vie d’équipage a comme ça des moments privilégiés qui récompensent de tout le reste.
Avec le vent de face, la première étape fait 4 heures 20, et la seconde 3 heures 10.
Voilà, en 3 nuits on s’est abattu 22 heures de vol, Anthony qui est en instruction a rempli son carnet de questions avec des réponses appropriées, on eu le temps de discuter de la vie de Brian, et comme j’avais mon lap-top avec moi, je l’ai régalé de photos de neige, de brouillard, de pluie etc.
La compagnie traverse de graves difficultés, c’était pas trop le moment de faire les chochottes. Et les 12 heures de sommeil que je me suis octroyées après ont eu le goût du travail bien fait. Et ça, c’est chouette ( euh, mais pas trop souvent quand même !)
Jan