Re: Encore un cockpit pour alcôve ..
Posté: Vendredi 22 Novembre 2019 17:12
Aviathor a écrit:Je ne suis pas sûr que je serais à l'aise de voler sur les avions d'une compagnie où le personnel navigant décide lui-même des règles qu'il souhaite suivre, et de celles qu'il juge trop contraignantes
Il ne s'agit pas de respecter certaines règles et pas d'autres, selon caprice personnel, mais de s'adapter aux situations, et de tout faire pour respecter la sécurité des vols et l'accomplissement de la mission.
Il y a des dizaines de cas où, heureusement, nous avons dérogé voire transgressé et grâce à ça nous sommes encore là !
Exemple 1 : la MEL est incontournable (Minimum Equipment List). Elle donne la liste minimale des équipements pour partir, avec des NO-GO et des tolérances pour le départ avec des critères bien définis.
Si un instrument ou un équipement est en panne et que rien n’est écrit à son sujet dans la MEL, c’est simple, c’est NO-GO
J’arrive un jour dans un avion, et je constate que la montre de bord est en panne. La montre n’est pas nommée dans la MEL, donc NO-GO
Tu me vois vraiment aller annoncer aux passagers que le vol est annulé car la montre ne fonctionne pas ? C’est un truc à se faire lyncher.
Nous sommes donc rentrés à la base et je t’annonce que j’ai enfreint le règlement.
Exemple 2 : Nous sommes dans une escale perdue dans le Maghreb, ça fait deux heures que je me bagarre en plein soleil avec les gens de l’escale pour faire aboutir notre départ, retour vers Orly. J’ai une sacoche pleine de dollars et de francs, mais ça ne suffit pas ! Et la discussion s’éternise.
Je retourne vers l’avion pour chercher un document et là, patatras, je constate que la porte de service avant droite a été ouverte, ce qui n’est pas grave, mais aussi que le toboggan a été percuté et qu’en plus il pend lamentablement incapable de se gonfler. La double peine ! L’issue devient indisponible.
La MEL explique le nombre de pax à embarquer en fonction du nombre d’issues de secours disponible et du nombre de PNC à bord.
Nos 150 pax sont déjà là, surchauffés dans la minuscule aérogare, aucun employé n’est visible, les deux bus qui ont amené les pax sont déjà repartis vers leur club Méd.
C’est NO-GO, mais avec beaucoup d’ingéniosité, un peu de culot, le sens de l’interprétation des textes, et l’accord de mon équipage et de deux pax qui furent géniaux, nous sommes repartis après 5 heures de bataille en plein soleil.
J’ai sauvé la situation car j’ai enfreint le règlement (mais pas la sécurité)
Exemple 3 : un de mes potes reçoit l’autorisation de s‘aligner et décoller sur une des pistes à CDG.
Son MD83 accélère et arrive à V1/VR.
C’est un dogme d’airain, si panne à V1 ou après, on décolle et on traite la panne en vol.
Ca me va très bien et c’est ce que je pratique et enseigne.
Sauf que ce soir là, V1 arrive et dans la même fraction de seconde il voit clairement un avion ( short 360) approcher de la piste par une bretelle d’accès, lui aussi autorisé à s’aligner et décoller, il entend son copilote annoncer V1/VR et il entend en même temps le fracas de son aile qui déchire le cockpit du Short 360, et surtout il ressent le choc énorme.
Il reste 3000m de piste il réduit et arrête l’avion. Il a dépassé V1/VR, il a enfreint le dogme et on le lui a assez reproché en commission d’enquête.
Il manquait un bon bout d’aile, plus d’aileron et plus de spoiler si mes souvenirs sont bons. Décoller eût été catastrophique.
Il a enfreint la règle, il a sauvé 172 personnes.
J’en ai plein ma besace, d’autres à suivre
Jan