Pour jiji66 (et pour appuyer les propos de Frédéric Caillé): le paradoxe de la pléthore d’électronique sur les moteurs "à turbines" modernes n'en est pas vraiment un ! Ce sont des systèmes qui si ils sont bien conçus ne remplacent pas les éléments mécaniques mais vont simplement améliorer leurs performances. En cas de panne de l'électronique, ça devrait pouvoir continuer à fonctionner mais de façon « moins rentable ».
Sur les turbomoteurs que j’ai connus il n'y a pas d'électronique ou extrêmement peu. On en a rajouté depuis.
C’est uniquement lors du démarrage qu’on a besoin d’une séquence automatisée qui a absolument besoin d’électricité. On peut (ou on pourrait …) se contenter de l’électro mécanique qui est tout de même bien éprouvée. Le boîtier de démarrage de l’Artouste que Frédéric a l’air de connaître est en effet un chef d’œuvre de simplicité et de fiabilité : ce sont toujours les mêmes boîtiers d'origine qui sont utilisés actuellement sur des appareils qui ont parfois presque 50 ans !
Des systèmes de relais solénoïdes font basculer les interrupteurs. Il y a des bilames qui chauffent et refroidissent pour établir ou couper un contact au bout d'un certain temps. En général c'est du costaud : on entend bien les gros "tac", "toc", "clic", "dzzzz". Les problèmes ne viennent pas du boitier de démarrage mais des diverses prises électriques qui se salissent ou prennent du jeu. Il suffit de bien resserrer ou de les dégraisser les contacts avec des solvants (en bombes vaporisateur c'est bien pratique).
La plupart du temps les pannes ne surviennent pas en vol. Tout ce qu'on risque c'est de ne pas pouvoir démarrer au sol.
Même sur les moteurs modernes il y a des astuces terribles :
Le gars détermine quelle carte électronique déconne, il la sort de son logement, et sort l'outil magique : la gomme à papier (bien propre si possible ...). Il frotte partout, et ô miracle ça démarre.
Parfois aussi les éclateurs (c'est à dire des bougies de démarrage d'un certain type) ne veulent plus faire d'étincelle (tout simplement parce que le plus souvent ils sont noyées suite à une mauvaise utilisation (trop de gavage). Alors on démonte, on sèche, on utilise l'autre outil magique : le crayon à papier ! Il faut frotter la mine dessus. Le graphite qui y reste collé est un excellent conducteur qui brûle bien. Ca devient du "charbon incandescent" en plus des étincelles.
Une fois que l'engin a passé le seuil critique de l'allumage, c'est à dire après injection + étincelle, et après extinction de la génératrice qui fait tourner les parties mobiles, le turbomoteur devient autonome.
A partir de « l’autonomie » du moteur : C'est le pilote ou le mécanicien qui pousse la manette de débit jusqu'au régime nominal. A ce stade : la régulation du régime devient automatique, mais pas nécessairement par des moyens électroniques. Comme je le disais et comme disait quelqu'un d'autre : Un dispositif 100% mécanique et hydraulique c’est tout à fait possible, c’est même le mieux, le plus courant et éprouvé.
La régulation du régime se fait par un dispositif constitué de masselottes rotatives disposé sur des leviers qui s'écartent plus ou moins selon la force centrifuge. Selon la vitesse du moteur (selon la vitesse centrifuge) les masselottes rotatives vont faire coulisser plus ou moins un tiroir. Ce tiroir va cacher ou découvrir des lumières qui laisseront passer le liquide hydraulique qui en l'occurrence est le kérosène du circuit carburant. Cela augmentera ou diminuera le débit du carburant de façon que le moteur tourne à la vitesse voulue qui en général reste constante ou à peu près.
Les masselottes en question détectent une variation infinitésimale de vitesse, et hop, ça régule en apportant plus ou moins de carburant. A chaque variation de "charge" (c'est à dire à chaque diminution ou augmentation de l'effort demandé au moteur, c'est à dire à chaque action du pilote sur le levier de pas général) correspond une variation du débit carburant.
Encore une fois : une fois que le moteur est autonome, il ne veut plus s'arrêter. C'est d'ailleurs parfois un problème en cas d'accident sur certains types d'appareil utilisant un type de moteur particulier dit "à turbines libres" : Tant qu'il a du carburant, le machin veut continuer à fonctionner surtout lorsqu'il détecte qu'il n'y a plus de vitesse de rotation au niveau de l'élément qu'il doit entraîner, il croit alors que l'aéronef a besoin de puissance et envoie davantage de kérosène dans le moteur !!! : voir par exemple cette vidéo :
http://www.youtube.com/watch?v=thBMDgdw ... re=relatedA la 25e seconde : on entend le moteur qui s'emballe, mais très peu de temps car il est coupé immédiatement par le mécanicien avec la manette coupe feu.
Pour en revenir à la question de Frédéric :
Le moteur à « turbine liée », c’est exactement ce que j’expliquais juste au dessus : C’est le turbomoteur « de base » (comme l’« Artouste » que tu as l’air de connaître) : Turbines et Compresseur(s) sont liés au même arbre.
Son concurrent c'est le moteur "à turbines libres", c'est exactement la même chose que le moteur à turbines liées mais auquel on a rajouté un bout à l’arrière. On a ajouté des étages turbines supplémentaires mais dont le mouvement est indépendant de la partie avant du moteur).
Ce sont donc des moteurs « en deux parties distinctes ». Le principe mécanique est le suivant :
Devant, tu as un turbomoteur normal à turbines liées.
A l’arrière on ajoute des rangées de « turbines libre », c'est-à-dire une autre série de « moulins à vent » qui ne sont plus liés à l’arbre du moteur. Ces turbines libres ne sont libres que par rapport à l’avant du moteur, elles sont reliées bien-sûr à l'élément qui doit être entrainé. Elles captent le "vent" qui est produit par le « turbomoteur avant » ou « générateur » et transmettent à l’aéronef le mouvement de rotation grâce à son propre arbre.
Si on parle d'hélicoptères avec "turbines libres" : Lors du démarrage, la transmission du mouvement vers les rotors se fait très progressivement. Cela permet d’éviter un embrayage mécanique. L’air arrive sur les turbines libres au fur et à mesure qu’il est produit. Un turbomoteur démarre très lentement car il doit atteindre progressivement un régime très élevé de plusieurs dizaines de milliers de tours. Progressivement : parce que du fait des masses en présence (l'inertie du rotor principal), ça ne peut pas accélérer aussi vite qu’un petit moteur qui a moins de contraintes mécaniques. Ce n’est pas non plus comme un moteur à explosion qui arriverait à être accéléré à fond (si on le voulait) dès qu’il est démarré.
Cet embrayage mécanique (centrifuge) des "turbomoteurs liés" et l’embrayage « virtuel » des "turbomoteurs à turbines libres" permettent de faciliter le démarrage moteur : Il vaut mieux que ces moteurs aient peu de travail à effectuer au démarrage car ils ont peu de couple à bas régime.
Ce type de turbomoteur "à turbines libres" présente des avantages et des inconvénients. Les inconvénients sont compensés sur les moteurs modernes par l’électronique :
Avantages des "turbines libres" :
Comme je le disais : il n’y a plus d’embrayage. Donc : gain en poids, en argent, et en fiabilité (donc en sécurité).
Inconvénients :
Le moteur n’est plus aussi réactif qu’un moteur « à turbines liées ». Une fois en vol : la réponse à la demande de puissance est plus lente. Pour palier, on a mis (je crois) un capteur au niveau du pas général des hélicoptères « Super Puma » et « Cougar ». Sur ces systèmes, la demande de puissance est détectée très en amont (puisque c’est sur une commande de vol). J’imagine que l’électronique doit détecter la vitesse plus ou moins prompte de sollicitation de ce pas général. Le système explique très vite au moteur qu’on a besoin de puissance (de façon bien plus rapide que si c’était demandé de façon « mécanique-hydraulique ». En effet, le système « antique » de détection de vitesse avec un arbre prend ses informations de vitesse bien évidemment sur la turbine libre qui elle-même a déjà un temps de retard par rapport au générateur (pour rappel : la partie avant du moteur).
L’autre inconvénient est inhérent à l’existence même de cet arbre détecteur de vitesse (par exemple comme sur les moteurs « Turmo III C4 » du « Puma » de la vidéo) : cet arbre qui est le vrai point sensible de ce moteur peut être soumis à des défaillances mécaniques (il y a tout de même pas mal de renvois d’angles …). Du coup : lorsqu’il casse ou subit une avarie, le régulateur détecte une vitesse faible ou une vitesse égale à zéro. Le régulateur envoie donc davantage de kérosène. Il en résulte une survitesse !
C’est là que la formation des équipages est très importante et aussi le rôle du mécanicien : Il faut qu'il comprenne très vite la cause de ce sur-régime de façon à éviter un réflexe inverse de la part de ses pilotes. En effet, le pilote voyant les tours s’envoler voudra augmenter la valeur du pas général de façon à augmenter la charge du moteur dans le but de calmer les tours. Il faut au contraire baisser le pas général de façon à diminuer l’arrivée de kérosène ! Ce n’est pas naturel du tout pour un pilote, car en apparence ce n’est pas une démarche logique.
Pour résumer la réponse à Frédéric Caillé :
- Moteur à turbines liées : fournissent de la puissance rapidement, mais sujet au pompage.
- Moteurs à turbines libres : plus fiables et sécurisants mais fournissent la puissance plus lentement.
(ces considérations ne sont valables que pour les moteurs d'ancienne génération, non électroniques).