Une visite à Guéret
Posté: Vendredi 12 Mai 2017 16:37
Me rendant de ma base de Mende jusqu'au terrain de Guéret-Saint-Laurent en compagnie d'un ami millavois dans sa boîte de conserves Biper, j'ai eu le privilège de tomber sur le créateur de cette avionnette des années 20 et d'en profiter pour lui demander de détailler le mécanisme intellectuel (oui, enfin...) qui fait ex nihilo surgir un dessin de machine volante.
"Un avion se dessine autour d'un moteur donné. Je disposais d'un DAF un peu suralésé, bicylindre donnant une trentaine de chevaux. Qui a ouvert un DAF y a trouvé à peu près un demi-VW, et n'est pas dépaysé s'il connaît les VW. Le DAF à la fois deux fois plus léger et deux fois plus court offre un avantage flagrant sur le VW : il exerce sous facteur de charge un effort d'arrachage sur ses fixations et un effort fléchissant sur l'avant du fuselage : 2 fois moins de poids x 2 fois moins de bras de levier = des efforts 4 fois plus faibles.
"Il en résulte la possibilité d'une structure de fuselage vraiment légère.
"Cela m'a même permis le luxe d'un montage souple très simple alors que le VW d'autres monoplaces est tout bonnement boulonné à cru sur la cloison avant. Au lieu de fixer les quatre boulons du moteur sur le cadre avant, ils le sont sur un simple disque de contre-plaqué de 10 mm, lui-même ensuite fixé au cadre avant par six silent-blocs d'échappement de camion.
"A cause de la brièveté de la queue filetée des silent-blocs, le cadre avant est plus mince que l'habitude, sa structure interne entre deux contre-plaqués étant faite du bois compressé/imprégné dont on faisait les semelles de longeron des derniers planeurs en bois de grand allongement. Où peut-on se procurer ce matériau ? Mais... dans le petit matériel de bureau, sous la forme de ces règles carrées d'un centimètre de côté qu'on ne parvient pas à casser à la main. Pour leur collage, il faut savoir faire. Je ne donne jamais de recettes précises, c'est ma forme de sage paranoïa.
"Le moteur non capoté par simplicité - ses formes et arrondis à l'ancienne différents de ceux du VW ont une esthétique propre - ainsi préparé, reste à définir un fuselage dont le maître-mot sera la simplicité de construction.
"Le fuselage est ainsi de section exclusivement quadrangulaire sur toute sa longueur ; seule évolue sa section rectangulaire, depuis le carré du cadre porte-moteur jusqu'à l'étambot portant la dérive monobloc. Rien n'est galbé, tout est développable.
"Seule sort la tête : le fuselage de la sorte est assez haut, ce qui autorise des longerons de section faible et des entretoises issues du même débit, ainsi que quatre flancs de contre-plaqué d'okoumé plutôt mince. C'est de l'okoumé pour le poids mais aussi parce qu'au temps lointain de ma construction le fabricant le vendait directement, à très très bon prix donc.
"Le bois est un résineux choisi aux matériaux de construction du coin, après sélection d'une qualité décente (fil serré, etc. ...) trouvée sur quelques rares madriers après en avoir examiné dans le tas des dizaines et des dizaines. Le prix de la fourniture est ainsi ridicule. C'était en 2000 ; depuis le bois de charpente du marchand du coin ne recèle plus les rares échantillons de qualité convenable que j'y trouvais alors. Voilà pourquoi dès 2001 pour ma construction suivante j'ai payé de l'orégon aéro, excellent sans doute, vingt mille francs le mètre cube.
"Le contre-plaqué mince des flancs latéraux est cependant doublé d'une surépaisseur un peu plus mince, depuis le cadre porte-moteur jusque un peu en arrière du dossier du pilote.
"Le pilote monte à bord par un trou carré sur le dessus. Le trou est le moins long possible de manière à prévenir sous effort le flambage des fins longerons de caisse, qui cependant sont renforcés eux aussi du nez jusque derrière le siège.
"Ce trou se referme par une simple plaque plane échancrée pour passage de la tête, laquelle plaque recouvre donc les épaules. La plaque porte le saute-vent de rhodoïd souple de 5/10 auquel une structure de lamellé-collé de contre-plaqué mince donne la silhouette du pare-brise plan et des côtés de la partie fixe de la verrière d'un chasseur des années cinquante. Tout est donc développable.
"Derrière la tête je n'avais par économie de poids rien prévu d'abord, mais j'ai mis quand même un truc profilé en Styrodur massif. Et puis... depuis que dans un appareil ultérieur je me suis retourné au sol lors d'une vache, qu'est-ce que vous voulez, je ne vole plus sur un appareil qui ne protège pas le crane et la nuque en cas de capotage !
"Le siège et le manche ne sont pas solidaires du fuselage, mais de l'aile : en regardant par le trou d'accès du pilote le fuselage démonté, on ne voit donc devant soi qu'un autre trou, celui où l'aile se fixe. Ensuite le fuselage s'affine jusqu'à l'étambot analogue à celui d'un 112 avec sa gouverne monobloc. Cependant, ce cadre d'étambot est très large, pas moins de 14 centimètres. C'est parce que la gouverne de direction est très épaisse : au bas de son longeron principal vient se greffer entre deux prolongements du longeron, une roue à pneu (25 euros la roue de brouette en plastique) comme sur un Croses. Cela m'épargne une lame élastique à l'articulation compliquée, ainsi que la timonerie afférente : il y a deux câbles de direction issus du palonnier, et c'est tout.
"Si l'étambot est large de 14 centimètres, on comprend qu'un peu en amont, là où s'articule le longeron de la profondeur monobloc, le fuselage est plus large encore : c'est excellent pour donner au monobloc un appui sérieux. Un amateur doit prendre des marges partout où il peut.
"Et pour l'assemblage du fuselage ? Les deux flancs sont construits à plat sur le plancher d'une pièce de 9,50 mètres de long. Ah, oui, les HLM ne sont pas mon truc. Ma conscience de classe est très ténue. Ensuite, il faut dresser les flancs à la verticale et les disposer incurvés sur la longueur, avant de pouvoir les relier par des traverses. Cela suppose un important bâti. Certains se donnent beaucoup de mal pour établir en trois dimensions à hauteur d'homme des choses compliquées. J'ai préféré travailler par terre, où j'ai fixé tout du long autour du futur fuselage de grandes équerres tridimensionnelles faites de trois carrés d'aggloméré cloué. Comment leur base est-elle fixée au plancher ? Mais par des clous ! Ce n'est un immeuble haussmannien, ici, et il n'y a pas de dame pour pousser des cris d'horreur.
(à suivre)
"Un avion se dessine autour d'un moteur donné. Je disposais d'un DAF un peu suralésé, bicylindre donnant une trentaine de chevaux. Qui a ouvert un DAF y a trouvé à peu près un demi-VW, et n'est pas dépaysé s'il connaît les VW. Le DAF à la fois deux fois plus léger et deux fois plus court offre un avantage flagrant sur le VW : il exerce sous facteur de charge un effort d'arrachage sur ses fixations et un effort fléchissant sur l'avant du fuselage : 2 fois moins de poids x 2 fois moins de bras de levier = des efforts 4 fois plus faibles.
"Il en résulte la possibilité d'une structure de fuselage vraiment légère.
"Cela m'a même permis le luxe d'un montage souple très simple alors que le VW d'autres monoplaces est tout bonnement boulonné à cru sur la cloison avant. Au lieu de fixer les quatre boulons du moteur sur le cadre avant, ils le sont sur un simple disque de contre-plaqué de 10 mm, lui-même ensuite fixé au cadre avant par six silent-blocs d'échappement de camion.
"A cause de la brièveté de la queue filetée des silent-blocs, le cadre avant est plus mince que l'habitude, sa structure interne entre deux contre-plaqués étant faite du bois compressé/imprégné dont on faisait les semelles de longeron des derniers planeurs en bois de grand allongement. Où peut-on se procurer ce matériau ? Mais... dans le petit matériel de bureau, sous la forme de ces règles carrées d'un centimètre de côté qu'on ne parvient pas à casser à la main. Pour leur collage, il faut savoir faire. Je ne donne jamais de recettes précises, c'est ma forme de sage paranoïa.
"Le moteur non capoté par simplicité - ses formes et arrondis à l'ancienne différents de ceux du VW ont une esthétique propre - ainsi préparé, reste à définir un fuselage dont le maître-mot sera la simplicité de construction.
"Le fuselage est ainsi de section exclusivement quadrangulaire sur toute sa longueur ; seule évolue sa section rectangulaire, depuis le carré du cadre porte-moteur jusqu'à l'étambot portant la dérive monobloc. Rien n'est galbé, tout est développable.
"Seule sort la tête : le fuselage de la sorte est assez haut, ce qui autorise des longerons de section faible et des entretoises issues du même débit, ainsi que quatre flancs de contre-plaqué d'okoumé plutôt mince. C'est de l'okoumé pour le poids mais aussi parce qu'au temps lointain de ma construction le fabricant le vendait directement, à très très bon prix donc.
"Le bois est un résineux choisi aux matériaux de construction du coin, après sélection d'une qualité décente (fil serré, etc. ...) trouvée sur quelques rares madriers après en avoir examiné dans le tas des dizaines et des dizaines. Le prix de la fourniture est ainsi ridicule. C'était en 2000 ; depuis le bois de charpente du marchand du coin ne recèle plus les rares échantillons de qualité convenable que j'y trouvais alors. Voilà pourquoi dès 2001 pour ma construction suivante j'ai payé de l'orégon aéro, excellent sans doute, vingt mille francs le mètre cube.
"Le contre-plaqué mince des flancs latéraux est cependant doublé d'une surépaisseur un peu plus mince, depuis le cadre porte-moteur jusque un peu en arrière du dossier du pilote.
"Le pilote monte à bord par un trou carré sur le dessus. Le trou est le moins long possible de manière à prévenir sous effort le flambage des fins longerons de caisse, qui cependant sont renforcés eux aussi du nez jusque derrière le siège.
"Ce trou se referme par une simple plaque plane échancrée pour passage de la tête, laquelle plaque recouvre donc les épaules. La plaque porte le saute-vent de rhodoïd souple de 5/10 auquel une structure de lamellé-collé de contre-plaqué mince donne la silhouette du pare-brise plan et des côtés de la partie fixe de la verrière d'un chasseur des années cinquante. Tout est donc développable.
"Derrière la tête je n'avais par économie de poids rien prévu d'abord, mais j'ai mis quand même un truc profilé en Styrodur massif. Et puis... depuis que dans un appareil ultérieur je me suis retourné au sol lors d'une vache, qu'est-ce que vous voulez, je ne vole plus sur un appareil qui ne protège pas le crane et la nuque en cas de capotage !
"Le siège et le manche ne sont pas solidaires du fuselage, mais de l'aile : en regardant par le trou d'accès du pilote le fuselage démonté, on ne voit donc devant soi qu'un autre trou, celui où l'aile se fixe. Ensuite le fuselage s'affine jusqu'à l'étambot analogue à celui d'un 112 avec sa gouverne monobloc. Cependant, ce cadre d'étambot est très large, pas moins de 14 centimètres. C'est parce que la gouverne de direction est très épaisse : au bas de son longeron principal vient se greffer entre deux prolongements du longeron, une roue à pneu (25 euros la roue de brouette en plastique) comme sur un Croses. Cela m'épargne une lame élastique à l'articulation compliquée, ainsi que la timonerie afférente : il y a deux câbles de direction issus du palonnier, et c'est tout.
"Si l'étambot est large de 14 centimètres, on comprend qu'un peu en amont, là où s'articule le longeron de la profondeur monobloc, le fuselage est plus large encore : c'est excellent pour donner au monobloc un appui sérieux. Un amateur doit prendre des marges partout où il peut.
"Et pour l'assemblage du fuselage ? Les deux flancs sont construits à plat sur le plancher d'une pièce de 9,50 mètres de long. Ah, oui, les HLM ne sont pas mon truc. Ma conscience de classe est très ténue. Ensuite, il faut dresser les flancs à la verticale et les disposer incurvés sur la longueur, avant de pouvoir les relier par des traverses. Cela suppose un important bâti. Certains se donnent beaucoup de mal pour établir en trois dimensions à hauteur d'homme des choses compliquées. J'ai préféré travailler par terre, où j'ai fixé tout du long autour du futur fuselage de grandes équerres tridimensionnelles faites de trois carrés d'aggloméré cloué. Comment leur base est-elle fixée au plancher ? Mais par des clous ! Ce n'est un immeuble haussmannien, ici, et il n'y a pas de dame pour pousser des cris d'horreur.
(à suivre)