de jp trimouille le Lundi 6 Décembre 2010 18:59
Je lis bien des belles choses sur "notre 75" dans mes Illustration de 14-18.
D'abord, qu'on a berné les espions allemands en construisant en parallèle un 75 amorti par des ressorts de sommier, pour que les Allemands fassent la même chose et se retrouvent avec un 77 à tirer dans les coins. Ca semble avoir marché.
Ensuite, que le 75 n'avait pas son pareil pour ouvrir des brèches dans les réseaux de barbelés, grâce à la faible dispersion des impacts permise par justement son frein hydraulique donnant une arme indépointable.
Toutefois, un auteur d'après-guerre suggère qu'avec les obus à fusée sans retard qu'on y employait, et qui sautaient ainsi avant d'avoir pénétré assez le sol pour le bien labourer, c'était à peu près comme ne rien faire. Vu le faible S.Cx d'un fil de fer, c'était vouloir scier les barreaux de sa prison en soufflant dessus.
De là à penser qu'il était plus rentable de faire porter sur place une pince coupante par un Sénégalais ou un Breton...
On nous montre des sections d'Allemands fauchés par les centaines d'éclats d'un obus de 75, photographiés les uns adossés à une meule de foin, les autres diversement posturés, le visage serein, comme s'ils dormaient (c'est l'Illustration qui parle).
On nous dit encore que la plus nette supériorité du 75 sur le 77 tient à ses obus contenant 800 grammes de mélinite au lieu de 160.
C'est parce que la mélinite française sautait moins souvent au départ du coup, et qu'avec seulement 160 grammes pétant dans le canon, on ne retrouvait pas du hachis de servants autour d'une volée ouverte en peau de banane. Bref, les artilleurs Allemands n'avaient pas de cran.
Si la mélinite française était meilleure, c'est parce qu'on l'avait inventée.
L'inventeur est le chimiste Eugène Turpin immensément honoré par la France.
Là, on oublie de nous rappeler qu'il avait moisi plusieurs années en prison sur accusation d'avoir vendu le secret de la Turpinite, ou mélinite, aux Allemands. C'est logique : comment sinon auraient-ils trouvé la formule ?
Et l'aviation, dans tout ça ?
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Un auteur creusois d'après-guerre (Camille Rougeron) déplore que le 75 continue dans les années trente à constituer le fond de notre DCA.
Il pense qu'à cible frêle, on a jugé suffisant d'opposer une arme légère.
Grosse erreur de principe, car la vitesse d'un obus de petit calibre décroît si vite qu'il atteint les altitudes moyennes en un temps si long que la position future de la cible ne peut plus être déterminée précisément. Il aurait fallu, nous dit-il, non pas un 75 de 480 m/s de vitesse initiale, mais un 150 à 1000 m/s, quitte à construire des armes chemisées pour éviter trop de frais dûs à la rapide usure des pièces sous les pressions nécessaires.
Que pourrais-je vous dire encore ?...
Ah oui : pour la Noël 1916, offrez une boîte de chocolats fourrés en forme de petits obus de 75 ; un cadeau patriote avec lequel vous serez assuré de faire plaisir.