Pour ce qui est du sort des avions pendant la guerre, il n'y a pas de réponse générale, mais à peu près autant que d'aéroclubs, voire d'avions. Au cours de mes recherches, je n'ai à ce jour trouvé aucune information précise à ce sujet. Il faudrait (aurait fallu) recueillir les témoignages de ceux qui ont vécu cette période, avant et après. Les avions planqués ici et là l'ont été, c'est évident, en toute illigalité et avec les risques que cela impliquait. Après, quand on a ressorti ceux qui étaient passés au travers, personne ne s'est soucié de documenter ce qui a dû rester un temps l'histoire orale du club avant que le souvenir ne s'efface. Cela dit, il doit bien subsister ici et là drs souvenirs, voire des éléments plus tangibles, qu'il serait intéressant de rassembler pour éviter qu'ils se perdent à jamais.
On peut cependant avancer quelques éléments certains, basés sur les avions en service immédiatement après la guerre et dans les années qui ont suivi, disons de 1945 à 1960 ou 65. Au cours de cette période, un certain nombre d'avions présents dans la flotte des clubs dataient d'avant la guerre. On a donc la certitude quils l'ont traversée et ont fait leur réapparition dans un état permettant leur remise en vol. J'ai un exemple présent à l'esprit : le Caudron Phalène de l'aéroclub de Moulins (sur le terrain d'Avermes) en 1963. Il n'est pas le seul, j'en veux pour preuve les Caudon (encore) Aiglon dont on a récemment parlé dont plusieurs exemplaires ont volé jusque dans les années 60, voire plus tard. Il doit y en avoir bien d'autres, qui étaient très probablement sur des aérodromes discrets et peu importants, là où il était possible de déplacer discrètement un avion pour le remiser, ailes démontées, dans une grange sos un tas de paille ou de foin.
J'ai pourtant l'impression (mais ce n'est qu'une impression à confirmer ou infirmer par des éléments plus objectifs) que cela n'a été que marginal. Marginal, non par le nombre d'avions qui ont pu échapper et traverser la guerre, mais du fait des conditions de redémarrage des aéroclubs. Dès 1945, lorsque les clubs se sont recréés, la renaissance de l'aviation légère a été une priorité, et des aides substantielles lui ont été affectées. L'aide consistait principalement en la mise à disposition de matériels de surplus, disponibles en quantités pléthoriques (Piper L4 de l'armée américaine, avions saisis à l'armée allemande ou fournis par l'Allemagne au titre des dommages de guerre). C'est ainsi que la flotte des clubs s'est trouvée essentiellement constituée de Piper L4 (devenus J3), Fieseler Storch (et son demi-frère Morane construit en France pendant l'occupation), Bücker 160 (non, pas le biplan) et autres Nord 1000 et Nord 1100 (issus du Messerschmit 108 et construits en France, eux aussi pendant l'occupation). A cela sont venus s'ajouter les Stampe, commandés à plus de 700 exemplaires par l'Etat, et mis à disposition des aéroclubs. Disons (en simplifiant un peu, mais à peine), qu'un club qui avait besoin d'un avion le demandait et allait le chercher. Il y avait de la paperasse, mais c'était gratuit. On imagine que dans ces conditions, il était plus facile et moins coûteux de demander un avion neuf ou récent que de remettre en état un avion déjà ancien stocké des années dans des conditions précaires. Beaucoup ont ainsi dû terminer leur carrière en feu de joie, c'était une pratique courante il y a un demi-siècle.
Venons en à la dissolution des aéroclubs. Là, on dispose de toute la documentation souhaitable, puisque c'était un processus administratif. En 1941, un décret du gouvernement de Vichy impose la dissolution de toutes les associations (il ne s'agissait donc pas seulement des aéroclubs). Le secrétariat d'état à l'instruction publique et aux sports en a informé individuellement les intéressés. C'est ainsi qu'on trouve dans les archives la lettre adressée à l'Aile Populaire Niçoise en date du 28 mai 1941.
La méthode employée était insidieuse, car le décret ne prononçait pas la dissolution autoritaire des associations : il imposait aux associations de tenir une assemblée générale aux fins de décider leur dissolution. Ce faisant, un simulacre de légalité était préservé, puisque les associations étaient dissoutes dans les formes prévues par leurs statuts. On trouve donc les procès-verbaux d'assemblée des associations ainsi sabordées, qui devaient aussi en donner justification à la préfecture. Le document qui suit exprime, de manière voilée (c'était plus prudent) mais cependant sans équivoque, que la décision résulte de l'obligation faite.
Dans le cas des clubs de Nice et de Cannes, les aérodromes, stratégiquement importants, ont été occupés d'abord par l'armée italienne puis par les allemands, après la suppression de la "zone libre". Cannes était le siège du constructeur Romano, intégré à la SNCASE après la nationalisation en 1936. au début de la guerre, des prototypes y étaient en cours de développement, qui ont été "évacués" au nez et à la barbe de l'occupant, qui ne les a jamais trouvés. Un autre prototype s'est envolé, toujours au nez et à la barbe de l'occupand, avec un équipage dont le pilote était Maurice Hurel. Mais ceci est une autre histoire. On imagine que sur ce genre de terrains, l'affaire n'a pas dû être facile pour conserver les avions des clubs. a Cannes par exemple, au sortir de la guerre, on ne trouve pas trace des avions des années précédentes.