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Gilbert Klopfstein

MessagePosté: Vendredi 29 Août 2008 21:57
de jiji66
Pourquoi l'aviation de loisir n'a pas héritée de cette merveilleuse idée ?
(pilotage par le bilan énergétique)
http://www.dgac.fr/html/publicat/av_civ ... p23-24.pdf

Re: Gilbert Klopfstein

MessagePosté: Vendredi 29 Août 2008 22:16
de Lni69
Ahhhhh un élève de Sup'Aéro ....
Quelle fabuleuse école ....



Laurent les grosses chevilles

Re: Gilbert Klopfstein

MessagePosté: Samedi 30 Août 2008 00:31
de Leon Robin
Ah, le HUD de Klopfstein ! Il a été instructeur bénévole dans mon club à sa retraite, et il nous a raconté en détail les péripéties de son invention, qui lui a valu les pires déboires et lui a coûté sa carrière, sans jamais en tirer la moindre récompense, bien au contraire. Il existe un ou deux sites qui racontent l'histoire en détail et publient des documents étonnants. Il se fait tard, je chercherai les liens ce week-end.

Re: Gilbert Klopfstein

MessagePosté: Samedi 30 Août 2008 01:08
de asaubesty
Ah Klop! Que de souvenirs! Il faisait certains des cours théoriques dans le club qui m'a formé (le-club-à-Léon), surtout la mécanique du vol (il avait enseigné à Sup aero après tout...).

Il nous parlait des transformées en Z pour décrire l'écoulement de l'air sur l'aile... bon moi j'avais fait math sup (à 16 ans en plus), et pensait donc que le niveau théorique ne serait pas trop ardu, mais là je me suis posé des questions. Image Parce que la transformée je comprenais, mais le rapport avec le compportement de l'avion ? La relation lui paraissait évidente ; je me gardais donc de le questionner.

Un imprudent, avocat de formation, a osé demander "qu'est-ce que vous entendez par transformée en Z ?" Klop a fulminé, glapit, changé de couleur, et hurlé "mais comment voulez-vous piloter sans savoir ça ?". Devant tant de colère j'ai tenté une question pour concentrer le feu sur une autre cible, car l'avocat le prenait mal (il a d'ailleurs quitté le club peu après) : "Je n'ai pas compris pourquoi vous dériviez la fonction, là ?" Il s'est radouci immédiatement : "Voilà une bonne question. Qu'est-ce que vous faites de la pression, jeune homme ? Je vais essayer de vous expliquer". Bon j'ai rien compris, mais au moins l'avocat n'a pas été bouffé tout cru, Klop avait déjà sorti la vinaigrette.

Je n'ai pas volé avec lui mais fait juste un roulage, pour rentrer un avion au hangar. J'avais beau tout réduire, on roulait trop vite pour le virage qui venait. Alors j'effleure les freins, et il a hurlé "NNNNOOOONNNNNN!!!!" Je pensais qu'un gosse traversait le taxiway, que l'avion avait pris feu.... mais il a enchainé : "on ne freine JAMAIS, sauf pour s'arrêter".

Donc caractère spécial... mais jamais avare d'histoires fascinantes, comme le premier détournement d'avion de l'armée de l'air depuis la 2nd guerre, le HUD (lié à la précédente), le vol illégal sur le proto de F18, etc. Léon vous en dira plus! Vraiment difficile à vivre, et c'est un gâchis : s'il avait été un peu moins abrupt, et moins prompt à considérer le reste du monde comme une bande de c$#s, ses idées auraient été acceptées bien plus tot. Sauf celle concernant le poser du CAP-10 en crabe, là j'ai toujours des doutes.

Sacré souvenir en tous cas! Bon vol Klop!

Re: Gilbert Klopfstein

MessagePosté: Samedi 30 Août 2008 09:31
de Leon Robin
Parler de Gilbert Klopfstein un samedi matin, juste avant de partir pour l'aéroclub est une bien belle manière de commencer un week-end aéronautique.

Avant de répondre à la question initiale, il faut parler de l'homme. Alan a commencé à le faire, continuons. Nous avons eu la chance dans mon club de le côtoyer pendant une quinzaine d'années, au cours desquelles nous avons beaucoup discuté et échangé. Gilbert était une mémoire qu'il fallait faire parler, pour ne pas perdre de précieuses informations. Le faire parler, ce n'était guère difficile. Eviter l'emballement l'était plus.

Il faut d'abord parler de l'homme, disais-je plus haut. Cet homme, dont le génie - n'ayons pas peur des mots - a permis la réalisation du collimateur tête haute (HUD, pour ceux qui croient l'invention américaine), basé sur l'exploitation du vecteur vitesse, cet homme a été brisé par son invention. Brisé par l'incompréhension du milieu aéronautique français de l'époque, largement aidé en cela par un caractère .... disons pas facile.

"Noooooooon ! A moi les commandes, je vais vous montrer ce que vous venez de faire !". C'est ce qui me résonne encore aux oreilles juste après avoir remis à peu près en ordre la ligne d'horizon devant le pare-brise du CAP 10 lors de ma première gamelle en voltige. "Klopp" était mon instructeur. Ah oui, au fait, entre nous on l'appelait "Klopp", à lui, on disait "Monsieur Klopfstein". Moi qui tutoie tout le monde sur les terrains, je ne me suis jamais adressé à lui autrement. Simplement parce qu'on sentait tous qu'il appartenait à un autre monde. Il nous est arrivé à quelques uns, lors d'un voyage dans un cockpit, de mentionner que Klopfstein était instructeur chez nous. A chacune de ces occasions, si l'un des membres de l'équipage l'avait eu comme prof de méca-vol, la réponse était "Ah bon ! Monsieur Klopfstein est chez vous .........". Monsieur. C'était un Monsieur, dans son domaine. Mais quel caractère !

C'est certainement ce caractère intransigeant - pour ne pas dire plus - qui a nui à la reconnaissance de son invention. C'est un élément contributif, mais certainement pas le seul, ni l'élément déterminant. Beaucoup d'autres, dont le respect des dogmes techniques et hiérarchies admis de l'époque ont été déterminants. Des rivalités humaines aussi sans nul doute, combinées à l'intransigeance du personnage. Les histoires à ce sujet ne manquent pas, mais il est certain que les idées de Gilbert Klopfstein relatives au pilotage faisaient de l'ombre à certains personnages plus en vue que lui à l'époque. Les principes qu'il a posés, et leur réalisation initiale ont donc été repris ailleurs, par d'autres qui ont eu l'intelligence et surtout le pragmatisme de voir le génie de l'invention.

Il y a encore beaucoup à dire sur le sujet, mais ce sera pour un autre épisode, sinon je n'irais pas au club ce week-end.

Re: Gilbert Klopfstein

MessagePosté: Samedi 30 Août 2008 09:53
de jiji66
Merci pour cette instructive introduction. Si il existe quelques liens, documents ou livres traitant de l'Homme et du sujet, je suis preneur.
Bon vols, j'y vais aussi.

Re: Gilbert Klopfstein

MessagePosté: Samedi 30 Août 2008 10:10
de Leon Robin
Beaucoup d'infos intéressantes sur ce site http://www.headupflight.net/

Re: Gilbert Klopfstein

MessagePosté: Samedi 30 Août 2008 14:33
de E.T.
eh oui pas toujours facile d'être pionnier, j'ai lu un jour (à moins que ma source, ou ma mémoire soit déglinguée) que Bézier l'inventeur de la courbe du même nom, était chez Renault et que pour pouvoir bosser en paix, il présentait toujours ses travaux, comme une poursuite, un approfondissement de travail d'un mec inexistant, ce qui donnait une "crédibilité à son truc. (modélisation des formes comples de surface de carrosserie à 'origine son travail)

Re: Gilbert Klopfstein

MessagePosté: Dimanche 31 Août 2008 00:36
de Leon Robin
L'hommage posthume a le grand mérite de ne rien coûter par rapport à une reconnaissance du vivant de l'intéressé. C'est certainement l'amère réflexion que Gilbert Klopfstein aurait faite, et que font à sa place ceux qui l'ont bien connu dans la dernière partie de sa vie. Pour en avoir longuement discuté avec ceux qui, au club, l'ont bien connu ces quinze dernières années, nous sommes persuadés que, s'il était parmi nous, il nous aurait dit, de la manière abrupte et sans détour qui était la sienne, ce qu'il pensait de cet hommage rendu - discrètement - par une administration qui ne l'avait pas ménagé de son vivant.

"Après avoir quitté le corps des ingénieurs de l'armement en 1982 ... " peut laisser croire au lecteur non avarti qu'il l'avait quitté volontairement. Ce n'est pas le cas, et son éviction fut pour lui une véritable catastrophe, tant sur le plan moral en mettant fin abruptement à une brillante carrière, que matériel en obérant des droits à la retraite qui lui feront cruellement défaut à la fin de sa vie. Nous y reviendrons.

Des longues conversations que certains d'entre nous ont pu avoir avec lui, il ressort que son départ fut la suite logique d'une situation née de l'autisme de l'administration face à ses travaux et de son intransigeance, sur fond d'inimitiés qu'un personnage aussi atypique ne manque pas de susciter. Son caractère "bien affirmé" (pour ne pas dire "impossible", il faut le reconnaître) n'y est pas étranger, mais était-il sage de se priver du génie qui en était le corollaire ? Les administrations sont plus efficaces pour juger de la discipline ou du conformisme pour entrer dans un moule que pour reconnaître une intelligence hors-normes.

Les vacations d'enseignement à Sup aéro et à l'ENAC lui ont permis de survivre chichement "après avoir quitté le corps des ingénieurs de l'armement" jusqu'en 1997. Je me souviens de ce jour de novembre 1997 où il fit irruption dans mon bureau au club, blème, me tendant en tremblant une lettre et me disant d'une voix étranglée par la rage et l'indignation : " regardez ce que m'ont fait ces ............. ". La lettre lui expliquait qu'ayant atteint 65 ans, il ne lui était plus possible d'enseigner et que l'administration mettait fin à ses vacations, à effet immédiat. J'avais face à moi un homme anéanti et humilié. J'ai appris plus tard que cette nouvelle était aussi une catastrophe financière pour lui, le privant de ressources déjà modestes. Et sa retraite, dira-t-on ? Mis en disponibilité en 1982, sa carrière d'ingénieur de l'armement s'était interrompue, ainsi que la constitution de ses droits. A partir de ce moment, ce fut pour lui une longue et pénible descente aux enfers.

Il souffrait d'une "longue maladie", consécutive selon lui à certains essais en vol très particuliers dans les années 60. Je n'ai pas compétence pour en juger, mais le fait est qu'il était régulièrement hospitalisé pour subir de lourds traitements, et que sa santé semblait décliner depuis plusieurs années. Le décès de son épouse, qu'il adorait, lui a porté le coup fatal. Il n'était plus, littéralement, que l'ombre de lui-même, mais continuait à venir au club pour donner des cours théoriques. Il avait cessé l'instruction en vol quelques années auparavant. Nous savions que sa situation financère était difficile, pour les raisons que je viens d'expliquer. Quelques uns d'entre nous avaient tenté de l'aider, en vain. Il répondait simplement " personne ne peut plus rien pour moi" et s'en allait, seul.

"Il fut chargé [ ............... ] de mettre au point le Mirage III biplace à stabilité variable pour aider au développement de l'avion supersonique Concorde". Lors de soirées au cours desquelles il nous a raconté la genèse et les péripéties du viseur tête haute (que d'aucuns ont longtemps appelé "viseur Klopfstein"), il expliquait que l'idée lui était venue en observant les creusements de trajectoire qu'il observait en approche lors des essais à bord de ce Mirage III modifié. L'analyse lui avait permis de remarquer qu'il manquait une information entre les paramètres des instruments et le pilote qui les traduisait aux commandes. L'idée se matérialisa à l'aide de composants de récupération et des talents de bricoleur et d'électronicien de Klopfstein. Le Mirage III ainsi modifié nécessitait un équipage de deux hommes : le pilote de la partie "simulation et celui qui faisait voler l'avion dans les phases "normales. Les rôles n'étaient pas interchangeables. L'un s'appelait Jean turcat, pour la simulation, l'autre était Gilbert Klopfstein.

Il y a environ 3 ans, Jacques Pradel sur Europe 1 avait invité André Turcat pour une émission d'une heure 1/2 sur les premiers vols du prototype de Concorde et leur préparation. Turcat ayant furtivement évoqué ce fameux Mirage III biplace, le journaliste lui demande alors : " Vous étiez l'instructeur et l'autre un élève". "Euh, non" fut la réponse, brève et embarrassée. Nous étions au tout début de l'émission, à laquelle les auditeurs étaient supposés pouvoir participer s'ils avaient des élements à apporter. J'ai immédiatement envoyé un mail à propos du rôle de Klopfstein dans l'affaire, demandant si Turcat pouvait en dire quelques mots. Il n'en a pas été question un instant à l'antenne. Il faut dire, et Klopfstein ne s'en cachait pas, que les deux hommes ne s'estimaient guère, pour reter dans l'euphémisme. Le caractère de Gilbert Klopfstein était allergique à tout ce qui assure de brillantes carrières dans notre pays.

C'est cet homme qui a inventé le viseur tête haute à peu près universellement utilisé aujourd'hui. Cet homme est mort presque dans la misère, rejeté et ignoré de tous ceux à qui il a tant apporté.

C'est à cet homme que la DGAC rend un hommage tardif et posthume, après l'avoir ignoré de son vivant.

Parfois, en voyant cela, on se prend à avoir honte pour son pays. Nous sommes quelques uns à croire sincèrement que son dernier, et seul réconfort a été de pouvoir continuer à transmettre son savoir à des élèves PPL, dans un simple aéroclub

Re: Gilbert Klopfstein

MessagePosté: Dimanche 31 Août 2008 08:53
de toms
Bravo pour cet hommage à ce grand monsieur.
Pour moi qui ai passé un certain nombre d'heures avec ce merveilleux outil devant les yeux,
je me désespère de voir comment il est promu auprès des utilisateurs civils...

Re: Gilbert Klopfstein

MessagePosté: Dimanche 31 Août 2008 15:48
de gtvmanu
asaubesty a écrit:Il nous parlait des transformées en Z pour décrire l'écoulement de l'air sur l'aile... bon moi j'avais fait math sup (à 16 ans en plus), et pensait donc que le niveau théorique ne serait pas trop ardu, mais là je me suis posé des questions. Image Parce que la transformée je comprenais, mais le rapport avec le compportement de l'avion ? La relation lui paraissait évidente ; je me gardais donc de le questionner.


Stabilité longitudinale, premier ordre ?

@+

Re: Gilbert Klopfstein

MessagePosté: Dimanche 31 Août 2008 15:56
de Jan TUTAJ
Ah! Klopp ... Il y a tant à dire. J'ai déjà raconté comment ils nous avait accueillis un après-midi à St Yan, alors que nous étions une dizaine en stage d'Instructeur de pilotes professionels de 1 ère classe:
- Qui ici, n'est pas au moins Bac plus 4 en mathématiques ?
Nous avons évidemment presque tous levé la main sauf un de mes potes qui était ingénieur
- Vous n'avez rien à faire, ici, ni rien à faire dans un cockpit d'ailleurs, vous êtes vraiment une bande de cons.etc.etc.
Du coup ça m'a sorti de ma torpeur post-prandiale et je me suis pris d'intérêt pour ce caractère de cochon et j'ai perçu immédiatement le bonhomme dans son génie total. Je n'ai évidemment strictement rien compris à ce qu'il racontait et je m'en fichais complètement. Mais voir point par point comment , de façon hyper prévisible, ce type avait foutu en l'air sa carrière, alors que son GENIE transparaissait à chaque coin de phrase, fut pour moi un déclic dans mon approche de mon métier d'instructeur.

J'ai su très tôt et en détail ses bagarres contre l'establishment aéronautique et le bonhomme m'en a paru encore plus sympa, quoique rétif à tout! Il a été copié, volé, enfoncé, pillé, ruiné, détesté, par ce qu'il avait raison, et qu'il avait une vision claire.

Quelqu'un ,quelque part, a sûrement un stock de croix en trop ...

Jan Image qui a beaucoup appris de cette rencontre

Re: Gilbert Klopfstein

MessagePosté: Dimanche 31 Août 2008 18:29
de Leon Robin
..... il est ensuite breveté pilote de chasse à Meknès, d'où il sort major de sa promotion .......


Pour développer un peu cette phrase elliptique de l'article cité au début, il faut se rapporter aux longues discussions que nous avons eu la chance d'avoir avec Gilbert Klopfstein. Il commençait par préciser que la case "pilote militaire" était le passage obligé pour les essais en vol. Sa vocation était les essais en vol, rien d'autre. Sa nature était de ne rien faire à moitié, son passage à l'école de chasse n'y fit pas exception. ajoutons-y (c'est une interprétation personnelle) qu'il ne détestait certainement pas l'idée de montrer à ses condisciples qu'il étaient tous des ........ en les surclassant. C'était bien dans la nature du bonhomme.

Pendant que les autres passaient leurs soirées à faire la fête, lui bossait. Il préparait spécialement l'épreuve de combat aérien, pour laquelle il avait élaboré une manoeuvre inédite (il l'a décrite, mais je n'en ai pas souvenir) qui lui permit d'"abattre"son adversaire, l'examinateur, évidemment pas un novice. Il le fit à sa manière, en allant chercher les limites de l'avion, les dépassant même semble-t-il. On lui en fit le reproche, ce à quoi il fit valoir que face à un adversaire réel, on ne s'arrêtait pas à de semblables détails. Son adversaire manquait d'habitude : il n'avait jamais été "descendu" par un aspirant pilote de chasse. Klop' sortit donc major de sa promo ....; pour ne jamais être pilote de chasse.

Un autre aspect du personnage : il se targuait d'être le recordman officieux sur le trajet Istres-Brétigny (ou Villacoublay) sur Mirage III en 22 minutes(l^cher des freins-atterrissage) au début des années 60. Ce n'est évidemment écrit nulle part. Quelque ancien a peut-être des infos ou souvenirs sur le sujet

Re: Gilbert Klopfstein

MessagePosté: Lundi 1 Septembre 2008 19:09
de René-Pierre Teindas
Un immense merci Léon , Alan , Jan et les Autres pour ces magnifiques évocations.

Re: Gilbert Klopfstein

MessagePosté: Lundi 1 Septembre 2008 22:07
de Gator
Aura-t-on un jour une rubrique dans laquelle nous pourrions relire de tels écrits ?