Tontonlyco a écrit:Cet argument n'est pas convainquant, le niveau d' aphélie est aussi fonction de la poussée des étages précédents et comme les combinaisons sont multiples on fait un peu ce que l'on veut.
C'est exact que la trajectoire finale dépend de l'impulsion totale fournie par tous les étages de la fusée.
Mais il y a beaucoup de contraintes si on cherche, à la fois, à minimiser la consommation de carburant et à se rendre à l'endroit voulu.
Et donc les combinaisons ne sont pas si variées que cela.
Je sais que la plupart de ce qui suit t'est familier.
Mais j'explique quand même pour que tout le monde puisse comprendre.
Les changements de trajectoire de satellites sont régis par des changement d'énergie (cinétique+potentielle).
Toutefois, les moteurs de fusée ne fournissent pas de l'énergie mais de la poussée pendant un certain temps. C'est à dire de la quantité de mouvement.
En principe, les changements de trajectoires sont caractérisés par des changements de quantité de mouvements qui sont additifs si on les effectue au moment et à l'endroit optimal.
Optimal car les changements d'énergie cinétique sont plus efficaces s'ils se font à grande vitesse et donc au périapse de l'orbite qui précède le changement (nommé périgée si l'orbite est terrestre).
C'est l'effet Oberth.
Explication: la variation d'énergie cinétique c'est ∆E = m.(v+∆v)²/2 - mv²/2 = vm . m∆v , où vm = v+∆v/2 est la vitesse moyenne.
On voit que pour une même augmentation de quantité de mouvement m∆v, le gain d'énergie est d'autant plus important que la vitesse moyenne est grande.Et, ramené à une masse transportée unitaire, ces changements de trajectoire optimaux sont séparés par des variations de vitesse bien connues.
Les graphes de passage d'une trajectoire standard à une autre sont régis par des tables de "delta-v budget" ou bilan de quantité de mouvement.
En voici un exemple:
Les orbites de transfert permettent de passer d'une orbite d'un niveau d'énergie à une orbite à un autre niveau en minimisant la dépense en quantité de mouvement.
Typiquement, il y a deux dépenses : 1 au périapse (périgée) en entrant dans l'orbite de transfert et 1 à l'apoapse (apogée) en sortant de l'orbite de transfert pour la transformer en orbite +/- circulaire.
Si le transfert est une orbite d'échappement (ou de capture) il n'y a qu'une dépense au périapse.
Le graphe ci-dessus se lit comme ceci:
Exemple 1 : pour passer d'une orbite basse (LEO) à une orbite géostationnaire (GEO), on dépense 4.1 km/s, soit 2.5 km/s pour entrer dans l'orbite de transfert (GTO) et 1.6 km/s pour en sortir et entrer dans l'orbite circulaire géostationnaire.
Exemple 2 : pour quitter l'attraction terrestre en provenance d'une orbite basse (LEO), sans destination précise, sur une orbite de libération (une orbite de transfert dont l'orbite haute a un rayon infini) on dépense 3.2 km/s (2.5 km/s + 0.7 km/s). Les orbites de libération ou de capture sont notées C3=0. (C3 est l'énergie totale ou énergie caractéristique).
Exemple 3 : pour passer d'une orbite basse (LEO) à une orbite héliocentrique qui atteint Mars (l'aphélie est au voisinage de Mars), on dépense 3.8 km/s (2.5+0.7+0.6). En fait entre 3.6 et 3.9 km/s en fonction de la position de la terre sur son orbite autour du soleil.
Exemple 4 : pour passer d'une orbite basse (LEO) à une orbite de capture vers de Mars, on dépense 4.7 km/s (2.5+0.7+0.6+0.9). Le 0.9 km/s est dépensé en freinage de l'autre côté de Mars sur l'aphélie.
Cet exemple 4 avec orbite de capture ne donne pas encore une orbite autour de Mars mais une orbite parabolique. Il faut ralentir plus encore pour avoir une orbite classique autour de Mars.
Exemple 5 : pour passer d'une orbite basse (LEO) à une orbite basse autour de Mars, on dépense 6.1 km/s (2.5+0.7+0.6+0.9+1.4). Le 1.4 km/s est le freinage supplémentaire.
En théorie, Jacques, ce que tu suggères est correct : le deuxième étage peut amener le vaisseau à la bonne altitude et vitesse en orbite basse et ensuite donner une seule impulsion de 3.8 km/s.
Le seul problème c'est le vaisseau quittera bien l'attraction terrestre mais dans n'importe quelle direction sauf la bonne.
Déjà, si le lancement est de jour, le vaisseau sera du mauvais côté de la terre.
Donc il faut des changements de trajectoires intermédiaires avant de quitter l'attraction terrestre.
Si on combine cela avec l'effet Oberth, on obtient au minimum 3 poussées.
1. Une poussée en orbite basse (donc périgée) pour entrer en orbite de transfert (terrestre)
2. Une poussée significativement avant ou après l'apogée qui change l'orientation de l'orbite en gardant une excentricité importante. On est alors sur l'orbite d'attente.
3. Une poussée au périgée de l'orbite d'attente (côté nuit opposé au soleil) pour lancer le véhicule avec une vitesse supérieure à la vitesse de libération et dans la bonne direction pour une orbite de transfert héliocentrique.
Tu remarqueras que les témoignages des gens qui ont observé la 3ème poussée sont situés dans le Nevada à 02h45 GMT, soit 18h45 locales.
Donc côté nuit.
Pour que toute la manoeuvre soit économe en poussée, il faut que les poussées 1 et 3 soient à haute vitesse et la poussée 2 à basse vitesse.
Il faut donc que l'orbite de transfert soit à haute énergie et forte excentricité et l'orbite d'attente doit être à peu près à la même énergie et même excentricité. (Si l'excentricité augmente, le périgée devient trop bas).
Donc une GTO (orbite de transfert vers le niveau géostationnaire) ou une orbite de transfert vers un niveau encore plus haut mais inférieur à l'énergie de libération.
La différence entre une GTO et une orbite de libération n'étant que de 0.7 km/s en delta-v.
Donc les variations possibles sont faibles.
Luc