Je ne voulais pas entrer dans le sujet du LOP parce que cela fait polémique à chaque fois, y-compris au sein des constructeurs, ainsi que pour quelques autres raisons;
- C'est très technique. Il faut vraiment s'y intéresser et comprendre les détails de ce qui se passe dans les cylindres pendant le cycle de combustion.
- La plupart des avions club ne sont pas capables d'opérer LOP d'une part par manque instrumentation adéquate (EGT/CHT sur chaque cylindre), et d'autre part parce que la répartition du mélange dans chacun des cylindres est souvent trop inégale pour permettre au moteur de tourner rond LOP.
- Pour le faire correctement, il faut une bonne compréhension et de la rigueur.
Contrairement à ce que pensent beaucoup, le concept du LOP n'est pas nouveau. Il était largement utilisé sur les moteurs radials, par les compagnies aériennes dans les années 50. Il ne pouvait pas s'appliquer sur les moteurs à piston du style boxer que sont nos Lycomings et Continental en raison de la géométrie de ces moteurs. Dans les années 90 un ingénieur aéronautique nommé George Braly a créé la société GAMI (General Aviation Modifications) dont l'un des premiers produits fut GAMIjector, des injecteurs avec des orifices minutieusement calibrés, servant à équilibrer le mélange air/essence dans les différents cylindres. Ces injecteurs ont rendu possible le LOP sur des moteurs qui auparavant vibraient trop lorsque l'on dépassait le pic EGT en appauvrissant. L'une des réalisations de GAMI est un laboratoire de test moteur, dans lequel ils instrumentent des moteurs avec des tas de capteurs, y-compris des capteurs permettant de relever la pression interne des cylindres. A l'aide de ce laboratoire, ils ont collecté énormément de données sur ce qui se passe dans le moteur en fonction du régime, de la mixture, de la puissance etc. qui ont servies à écrire un nombre d'articles sur la gestion moteur, ainsi que de fournir des données à APS (Advanced Pilot Seminars), un cours animé par George Braly, John Deakin et Walter Atkinson. GAMI, TAT (Tornado Alley Turbo) et APS sont trois sociétés très proches auxquelles contribuent ces trois protagonistes qui sont aussi, pour deux d'entre eux, assez actifs sur Beechtalk.
Grâce aux GAMIjectors ainsi que l'avènement des instrumentations moteur numériques du genre J.P. Instruments, George, Walter, John et aussi Mike Busch, ont remis la gestion LOP au goût du jour dans la deuxième moitié des années 90.
Nous avons tous appris à un moment donné, que dans nos moteurs, l'excès de carburant sert à refroidir le moteur par évaporation sur les surfaces des cylindres. Ce n'est pas tout à fait ça. L'excès de carburant sert quelque part à "retarder" l'allumage, ou plutôt retarder la combustion afin que la pression maximale de combustion (l'explosion) se manifeste plus tard dans le cycle de combustion (lorsque le piston est plus bas, et l'angle du vilebrequin est plus grand), générant une poussée sur le piston moins violente (un pic de pression plus bas) et plus longue.
Le même phénomène de ralentissement de la combustion se produit aussi, de manière plus accentuée, du côté pauvre du pic EGT.
Sur nos moteur, la mixture sert donc à compenser le fait que le point d'allumage est fixe. Avec un allumage fixe, le point de pression maximale (la hauteur du piston dans le cylindre au moment de "l'explosion", ou l'angle du vilebrequin) va dépendre du régime moteur, de la pression d'admission et de la mixture. Idéalement le pic de pression doit avoir lieu entre 16° et 18° après le point mort haut.
Qu'on le veuille ou nom, la recommendation constructeur d'appauvrir à 50°F ROP (best power) est la pire recommandation possible, car le point de pression maximale à lieu trop tôt dans le cycle et engendre les températures cylindre les plus élevées, et les plus fortes contraintes mécaniques sur coussinets, bielles et cylindres.
Continental prétendent que l'on peut opérer leurs moteurs à 85% de puissance en continue à une mixture de 50°F ROP, ce qui engendre des CHT de 420°F ou plus, et le pic de pression dans le cylindre a lieu autour de 11° après le point mort. Je pense que si l'on demande aux opérateurs de Cirrus SR22 combien de cylindres ils ont dû changer à 500 h TSN en suivant les recommandations constructeurs, ou en utilisant la fonction "LEAN ASSIST" de l'Avidyne ou du G1000, on aurait des surprises. Lorsqu'un métal chauffe, il perd en résistance et se déforme plus facilement. La combinaison de fortes températures cylindre, et de grande pression interne est létale pour les cylindres qui deviennent ovales et perdent la compression. Les soupapes sont refroidies par le contact avec le siège de soupape, et plus les culasses sont chaudes, moins les soupapes sont refroidies.
Que l'on opère ROP ou LOP, on cherche à limiter le pic de pression interne des cylindres, on souhaite qu'il ait lieu au moment idéal, et on cherche à limiter les températures des culasses. Pour cela il faut être soit très riche (>100°F ROP), soit très pauvre (50°F-100°F LOP), et il faut surtout éviter la zone des 0°F-100°F ROP lorsque l'on sollicite fortement le moteur (>65%BHP)
Il y a un excellent article de John Deakin, écrit à l'époque pour sa colonne "Pelican's Perch" sur AvWeb, intitulé
"Mixture Magic" qui décrit très bien le cycle de combustion d'un moteur à explosion, et l'effet des différents paramètres sur la combustion, en particulier le mélange air/essence, avec des données du labo GAMI à l'appui.