de Plouchart Guy le Lundi 22 Octobre 2007 18:24
En ce petit matin d'automne l'air est frais mais sec , pas de gelée blanche mais un léger vent du nord qui fait doucement chanter les peupliers voisins.
Dans la nuit finissante , merles et autre rouge-gorge sont les premiers à donner de la voix .
Une nouvelle aube apparait lorsque le démarreur Viet à air comprimé vient de réveiller les 140 cv du Renault qui vont à leur tour animer le Stampe . A l'arrière , alors que l'odeur caractéristique du vénérable avion se disperse dans le vent de l'hélice , le pilote , soigneusement , entreprend l'obligatoire réchauffage moteur .
Casqué de cuir tout comme son compagnon en place avant , il laisse son regard et son esprit vagabonder sur ce petit univers qu'il aime par-dessus tout . Le vieil hangar , d'abord , qui abrite habituellement son trésor ; puis la petite piste , naturellement en herbe , entourée d'arbres vénérables dont la hauteur pourrait faire l'objet d'une fermeture du terrain par un fonctionnaire peu enclin à percevoir la poésie du lieu , si ce lieu n'était privé .Le club-house , enfin , petit et vieillot , tout aussi naturellement rétif aux nouvelles normes de construction qui seraient sensé protéger les occupants , mais à leur corps défendant !!
Le club et son bar !! Objet de toute sa sollicitude , aprés son avion naturellement .
Il l'anime souvent ce lieu de vie , endroit où se noue les amitiés , qui se dénouent parfois ou qui ne se nouent jamais , endroit où se transforment les récits plus ou moins authentiques en légendes qui vont croissant , se déforment , endroit où parfois la jalousie et l'envie font tenir de vilains propos mais , finalement , un lieu tout simplement à l'échelle humaine , où l'on se réconforte , se confronte parfois mais ou l'on ne s'ignore ni ne s'insulte jamais !!
L'huile est chaude .
En zigzaguant volontairement pour assurer sa progression , le Stampe roule doucement vers le point d'arrêt ou ce qui est considéré comme tel par le bon sens , qualité normale d'un pilote , qu'aucune régle ne remplacera jamais .
Pas de tour , pas de radio , essai moteur , vérifications succintes mais efficaces , l'avion s'aligne , le pilote libère l'attelage , soleil dans le dos , vent légèrement de droite dont l'effet va s'ajouter à l'effet du couple moteur .
Mais l'aviateur a déja intégré ces futurs effets , positionné les commandes en conséquence et quelques corrections précises et efficaces suffisent .A la mise en ligne de vol , un peu plus de palonnier à droite pour contrer le couple gyroscopique momentané sert à verrouiller le capot sur l'axe de piste .
Le bi-plan commence à sautiller sur les irrégularités du sol , se régalant de cet air frais porteur que le moteur avale avec délice . Enfin , la traditionnelle taupiniére ne se trouvant pas sur la trajectoire d'une roue , une action discréte sur le manche est nécessaire pour que l'ensemble se retouve en équilibre dans le ciel , instant toujours chargé d'émotion pour qui a toujours le feu sacré .
Virage à droite de 180 ° , l'avion s'éloigne doucement du sol et aucun message ne vient perturber l'harmonie , le compagnon en place avant demeurant silencieux .
Face à l'est , le pilote est gêné par le soleil levant , Il plisse les yeux pour mieux y voir , puis une voix s'insinue progressivement . Une voix ? La radio ? Quelle radio ?Et ce soleil qui le gêne !!
Rapidement , la réalité s'impose , sa chambre vient de s'éclairer et la voix , au demeurant agréable , lui annonce qu'il est l'heure et qu'il va être en retard .
Brutalement , désormais bien réveillé ,le futur de sa journée s'installe dans son esprit .D'abord 1 h 30 de voiture pour l'aéroport , puis le passage à la MTO , les Notams , le plan de vol , le créneau , le briefing avec ses éléves , la prévol dans l'odeur du kéroséne des commerciaux matinaux , le probléme technique inattendu , la prise de l'Atis , le contact prévol , puis sol , la tour , le départ , le régional tout en surveillant , corrigeant , guidant , expliquant ...
Mais il l'aime cependant ce métier d'aviateur- enseignant . Ce sera sa façon à lui de laisser quelque chose , en espérant transmettre plus qu'il a reçu des ançiens sur ce savoir des choses de l'air.
Certains laissent des livres , lui en est incapable et puis , rien de bien original dans son parcours ni son travail .
L'espace d'un court instant , il se surprend à vouloir se rendormir , à rêver de nouveau , mais fait-on jamais deux rêves identiques ?