de Leon Robin le Vendredi 13 Mars 2009 01:05
Les discussions sur le sort réservé à certains avions m'ont remémoré une chose à laquelle j'ai participé il y a bien longtemps. Sur le moment, j'étais tout content de moi. Vingt ans plus tard, je me suis dit que j'aurais pu, ou dû, faire autrement. Aujourd'hui, je me demande. On juge souvent des actions passées avec des éléments qui ont beaucoup varié au fil des années. Alors, je vous raconte, vous me direz ce que vous en pensez.
1970. Aujourd'hui, quand on regarde le parc des clubs de cette époque, on se dit " Whaouhhhhhhhh, ils volaient sur des avions de collection ! ". Oui, mais à l'époque, ces avions n'avaient rien de bien exceptionnel à nos yeux, on en voyait un peu partout. C'était le cas dans mon club avec le Nord 1000 et le Nord 1101, au milieu d'un parc varié de Cessna 150 et 172, Emeraudes, Piper Cubs et Stampe. On avait acheté les Nord aux Domaines pour pas cher. Quatre, deux N1000, deux N1101. Un de chaque avait été remis en état de vol en cannibalisant les autres. Le temps passant, le Zident trouvait que les avions cannibalisés devenaient encombrants, et se demandait comment s'en débarrasser. Il en traînait un peu partout dans les clubs, personne, sauf quelques rares visionnaires, ne songeait à préserver ces avions, et d'autres, qui allaient devenir rares quelques dizaines d'années plus tard.
Un de mes copains, fana d'avions mais pas pilote, vivait à 200 km de là dans une petite ville dont son père était conseiller municipal. Un jour, le père du copain, qui s'occupait des loisirs des jeunes de la commune me dit qu'il rêvait pour eux d'un avion, un vrai, qu'ils pourraient toucher, dans lequel ils pourraient s'installer. Je ne dis rien. Le samedi suivant, je demande au club s'ils voulaient toujours se débarrasser du Nord 1101 cannibalisé. Oui. Et combien le vendez-vous ? Si on nous en débarrasse, c'est déjà bien. Tope là, j'ai ce qu'il vous faut.
Coup de téléphone au père du copain : " Vous voulez vraiment un avion pour les gamins de la commune ? ". " Et comment ! ". " Je l'ai, vous n'avez qu'à venir le chercher et il est à vous ".
C'est comme cela que le samedi suivant, le copain et son père, au volant d'un camion plateau étaient au club dès l'aube pour prendre livraison du nouveau jeu des gamins. Comme l'un et l'autre étaient mécaniciens, avec l'aide de membres du club, l'affaire fut rondement menée, les ailes démontées et le tout chargé sur le camion. Peu de temps après, il était remonté sur une aire de jeu où des dizaines de gamins, pendant quelques années, se sont installés aux commandes, ou ce qu'il en restait - pour rêver qu'ils étaient pilotes. Certes, il n'y avait pas d'hélice (ni de moteur, notre clédedouze les avait précieusement gardés), mais avec un peu d'imagination - et on n'en manque pas quand on est gosse - cela n'avait pas d'importance. Au fil du temps, les jeux des gamins n'ont pas arrangé l'avion, qui affrontait certainement la pire période de sa carrière finissante. J'imagine qu'après quelques années de mauvais traitements, complètement déglingué, on a dû penser qu'il était bon pour la casse et l'envoyer chez le ferrailleur. A moins qu'un collectionneur ne l'aie récupéré. Je l'ignore.
Longtemps après, ces avions étant devenus rares, je suis passé par une période de mauvaise conscience. N'aurait-il pas mieux valu trouver un moyen de le sauvegarder ? Oui, à coup sûr si c'était aujourd'hui. Et puis, à la réflexion, je me dis maintenant que, s'il a fini à la ferraille, il a peut-être donné le virus de l'aviation à un des gamins qui ont joué dedans, dans un vrai avion. Du coup, je ne regrette plus de ne pas avoir tenté de le sauver à l'époque. Qui en aurait voulu alors ? Il y en avait partout, qu'il suffisait de demander pour qu'on vous le donne, comme celui-là.
Qu'en pensez-vous ?
Léon Robin, LFMD" Ceux qui sont prêts à sacrifier leur liberté à leur sécurité ne méritent ni l'une, ni l'autre " (d'après Benjamin Franklin)Site de mon aéroclub :
http://aeroclub-uaca.org