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Re: Vous aimez le Noratlas ?

MessagePosté: Jeudi 6 Décembre 2018 10:18
de PhM
J’en ressors une autre déjà produite ici, il y a quelques années...

A l'époque de la conscription, les Noratlas tournaient à plein pour former et entrainer les parachutistes. Pour beaucoup, c'était la première fois que les appelés voyaient un avion de près et c'était donc leur baptême de l'air en quelque sorte.
En général, un bus partait d'une base avant l'aurore pour emmener des jeunes soldats plus ou moins anxieux poiroter sur le tarmac d'une autre base. Au moins, ceux-là connaissaient le bonheur de découvrir la Grise et pouvoir dire qu'ils étaient montés dans un avion et en avaient sauté !
Cependant, il y a avait une corporation oubliée, qui se levait elle aussi très tôt mais ne participait pas à la fête : les chauffeurs de bus.
L'un d'entre-eux, avait fait part n'être jamais monté dans un avion et un gradé des commandos-para avait perçu cette demande indirecte. Il lui avait donc proposé de faire son baptême de l'air, le temps d'une rotation.
En général, dans un avion largueur on équipe d'un parachute tous les occupants. Pour les passagers non sautant, on les gratifie d'un parachute léger, dit "de secours". Il se distingue facilement des autres, car il n'est pas constitué d'un ensemble dorsal-ventral, mais d'un élégant parachute dorsal à ouverture commandée.
Ce jour-là, comme ce n'était pas prévu, on affubla le chauffeur d'un ensemble classique avec sangle d'ouverture automatique (SOA). On l'installa à l'avant de l'avion, près du poste, et la sangle fut accrochée au câble par sécurité lorsque l'avion fut sur zone. Sans doute, cette manip ne fut pas portée sur le manifeste et la communication dans l'encadrement imparfaite.
Le klaxon strident donna le top du largage et les deux portes latérales vomirent en cadence le contingent d'appelés.
Le chef largueur qui suivait la manœuvre s'assura que toutes les voiles étaient ouvertes et découvrit avec stupeur qu'il restait un gus équipé en train de regarder dehors par un hublot !
- QU'EST-CE QUE TU FOUS LA ??? gueula l'adjudant.
- JE SUIS CHAUFFEUR ! répondit l'autre.
Ceux qui n'ont pas connu une cellule de Noratlas en vol, dépourvue de ses portes, ne peuvent pas mesurer le vacarme ambiant et la difficulté de se faire comprendre.
- AH ! TU AS PEUR ?
Il saisit promptement le gars et le projeta par la porte avant que l'avion ne sorte de la zone de largage.
L'histoire dit que le chauffeur ne put recouvrir l'usage de la parole qu'au bout d'une semaine tellement il claquait des dents !

Re: Vous aimez le Noratlas ?

MessagePosté: Jeudi 6 Décembre 2018 10:45
de Matthias
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Re: Vous aimez le Noratlas ?

MessagePosté: Jeudi 6 Décembre 2018 13:53
de THEO
C'est exactement comme les histoires que les pilotes racontent à qui veut bien les écouter.
Il y a les vraies et les inventées ou exagérées, et au bout d'un moment, on ne sait plus ...
La tienne est sûrement vraie, mais que ne raconterait-on pour épater la bleusaille ...

Je vous conseille à ce sujet le chouette livre de Jean-François Borsarello : les bonnes histoires de l'armée de l'air.

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Re: Vous aimez le Noratlas ?

MessagePosté: Jeudi 6 Décembre 2018 14:07
de Leon Robin
THEO a écrit:C'est exactement comme les histoires que les pilotes racontent à qui veut bien les écouter.
Il y a les vraies et les inventées, et au bout d'un moment, on ne sait plus ........
Celle de l'"interphone" par exemple ?

Re: Vous aimez le Noratlas ?

MessagePosté: Jeudi 6 Décembre 2018 14:13
de Patrick BLONDY
Allez Léon...maintenant tu nous as mis l'eau à la bouche Image
Alors ...raconte Image

Re: Vous aimez le Noratlas ?

MessagePosté: Jeudi 6 Décembre 2018 14:17
de PhM
Leon Robin a écrit:Celle de l'"interphone" par exemple ?

Ah oui ! Mais non... ! Celle-ci ne me met pas en valeur ! Image
Bon, je narre ! Image

Ce mardi 27 juin 1978, la température ne dépasse pas les 11° sur le tarmac de la BA 709 de Cognac. Un petit vent frais de 10 km/h s'ajoute à l'effet de peau. Il est 6 heures du matin, je frissonne et j'ignore si c'est le froid ou l'émotion du moment. J'ai presque 21 ans, et à peine un mois de classe dans les Fusiliers Commandos de l'Armée de l'Air. Je découvre un monde nouveau : l'ambiance militaire, sa culture, ses codes, et l'immensité d'une base aérienne. Dans une heure, ou peut-être deux, voire trois –je ne sais pas, personne ne sait- je vais faire mon premier saut en parachute !
Avec mes compagnons d'infortune, j'attends l'arrivée du Noratlas. Nous ignorons tout du timing et nous attendons en écarquillant les yeux autour de nous.
Je me sens gonflé d'une supériorité vis-à-vis de mes compagnons : je suis pilote d'avion ! Enfin presque, il me manque une nav ou deux pour avoir ma licence de pilote privé. Mais cela me confère une "expertise" vis-à-vis d'eux qui ne sont jamais montés en avion. Cependant, je n'ai jamais vu de près d'avion aussi gros et il me tarde de le voir. Des paris fusent sur celui qui captera le premier l'arrivée de la Grise. Je guette le ronronnement placide des deux moteurs Hercules, mais pour l'instant, seul le piaillement des alouettes invisibles occupe le fond sonore. Pas pour longtemps, un bruit strident se fait entendre au loin. Il n'y a pas de doute, c'est un réacteur d'avion. J'en fais part à la cantonade, avec la conviction d'un expert.
Fou rire et moqueries en retour : un camion passe, trainant une remorque avec un réacteur rugissant. Il s'agit d'une sorte d'aspirateur géant, à une époque où la "chasse au gaspi" verrait le jour l'année suivante.
Le camion passé, le piaillement des alouettes reprend de plus belle. Ces oiseaux sont une constante des aérodromes au petit matin : ils sont là, à voleter à quelques centimètres du sol sans qu'on les aperçoive vraiment. Puis, il me semble percevoir le ronron désynchronisé du Noratlas. On tend l'oreille, certains l'entendent, et le bruit se rapproche enfin. Le plafond est couvert et on ne le voit pas. Puis le bruit s'éloigne… Nous sommes dépités, et attendons résignés.
Avec la montée en température, les bancs de stratus épars commencent à disparaître sur le terrain. J'observe le phénomène quand tout d'un coup un bruit me fait tourner la tête : IL est là, au sol, il roule vers nous ! Personne ne l'avait vu venir ! Plus tard, bien plus tard…j'apprendrai ce qu'est une approche IFR dans un circuit avec éloignement.
L'arrivée du Noratlas est spectaculaire. Il se dirige vers le groupe en décrivant un virage comme pour mieux se montrer. En fait, il suit les marques au sol et se gare face au parqueur. Les deux moteurs continuent de tourner à un ralenti élevé pendant une bonne minute, puis les hélices s'immobilisent enfin. La porte s'ouvre et je guette l'équipage. En tant qu'élève pilote, j'idéalise ceux-ci. Ce sont des aviateurs, des vrais ! Ma culture militaire s'est forgée avec la série "Les chevaliers du ciel". J'imagine l'équipage à l'image de Tanguy, pilote séducteur avec une certaine prestance.
Je vois descendre cinq hommes loin du cliché. Certains sont bedonnants avec une calvitie et tranchent avec la silhouette athlétique du lieutenant de la Compagnie des Fusco qui vient les saluer.
-     Où est-ce qu'on peut casser la croute ? s'inquiète l'un d'entre eux ? (Je note au passage, qu'il s'agit du plus bedonnant)
Un sous-off Fusco les dirige vers l'atelier de mécanique. Il est réputé pour y servir des œufs au plat savoureux cuits à même la gamelle en alu. J'y succomberai quelques mois plus tard, achevé par les coups de jaja servis sans limitation.
-     ON DEMANDE DEUX VOLONTAIRES POUR DEMONTER LES PORTES !
L'ordre n'a pas fini de claquer, que je lève la main. Quelle belle opportunité que de visiter le Noratlas !
Il s'agit de préparer l'avion à l'exercice de largage. Cela consiste à ranger le matériel éventuel stocké au milieu de la carlingue, abaisser les sièges en lanière, et démonter les portes latérales arrières.
En  approchant de l'appareil, je ressens les craquements caractéristiques du métal qui refroidit. Je hume les relents d'huile chaude qui suintent sous le moteur. J'éprouve un mélange de crainte et de respect pour cette vingtaine de tonnes de ferraille et d'alu brossé.
Mais je faisais partie de l'élite : j'allais monter à bord avant les autres !
On me briefe rapidement : il faut démonter les deux portes latérales et les déposer sur le tarmac. C'est facile, il y a quelques goupilles à ôter, et...
- CHEF ! Y A UN FILS QU'EST VISSE ET QU'Y FAUT UNE CLEF PLATE !!!
- ON A PAS D'OUTILS ! DEMERDEZ-VOUS-VEUX-PAS-LE-SAVOIR !
Le sous-off vient tout de même à notre rescousse. Il s'empare de la porte en alu et tire un coup sec pour arracher le fils de masse. Ayant un certain verni aéronautique, je suis choqué par la méthode !
- CHEF ! C'EST FINI, JE PEUX VISITER L'AVION ?
Je reçois un grognement approbateur en guise de réponse.
C'est un univers étranger, presque hostile. Il y a des câbles au plafond, des anneaux au plancher (je note que ce sont les mêmes que dans les geôles des châteaux-forts de mon Périgord natal).
Une hache peinte en rouge (rouge-sang ?) est accrochée près d'un emplacement délimité avec des pointillés : "EN CAS D'ACCIDENT, DECOUPEZ ICI".
Je réprime mes pensées funestes et continue mon exploration vers l'arrière. J'y découvre un tuyau prolongé d'un entonnoir étroit. J'ai déjà vu ça sur les bateaux pour communiquer de la timonerie à la salle des machines. J'avise le lieutenant :
- MON 'IEUTENANT , C'EST QUOI CE TRUC LA, C'EST POUR PARLER AVEC LES PILOTES ?
Celui-ci flaire le gogo, et me répond :
-     Oui, oui ! On va faire un essai. Je vais à l'avant.
-     ALLEZ-Y MATHIEU, PARLEZ ! PARLEZ PLUS PROCHE DE L'ENTONNOIR !
-     COMME CA, VOUS M'ENTENDEZ MIEUX MON 'IEUTENANT ?
-     WOUARF ! WOUARF ! glapit celui-ci.
...Je venais de parler dans l'urinoir !

Mon carnet indique : Noratlas n°183, piloté par le Cdt Gaillard

Re: Vous aimez le Noratlas ?

MessagePosté: Jeudi 6 Décembre 2018 14:40
de THEO
Allez ! PhM, je suis sur que celle-la est vraie ...

Je ne sais pas si les Noratlas survivants sont encore équipés d'entonnoirs. J'espère que oui, pour faire perdurer le gag.
http://foxalphazoulou.overblog.com/2015/10/les-noratlas-survivants-en-france.html

Re: Vous aimez le Noratlas ?

MessagePosté: Jeudi 6 Décembre 2018 19:46
de EchoVictor
Merci, je me régale !

Eric

Re: Vous aimez le Noratlas ?

MessagePosté: Jeudi 6 Décembre 2018 20:16
de Gabinger
Merci pour ce sujet, je n'ai pas connu le Noratlas mais je suis preneur de ce genrre de sujet bien interessant.

Re: Vous aimez le Noratlas ?

MessagePosté: Vendredi 7 Décembre 2018 01:40
de xtreme
Il semble manquer la grise de Bernis, dont le cadavre trainait le long de la voie TGV à la sortie de Nimes vers Montpellier en 2006

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Re: Vous aimez le Noratlas ?

MessagePosté: Vendredi 7 Décembre 2018 04:01
de Philippe PONS
Le plus original est sans doute celui qui est pas très loin de chez moi à l’ECAUT (École Catholique d’apprentissage par l’AUTomobile).
Il est aménagé en chapelle à l’intérieur.
Mes photos remontent à environ 10 ans.

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J’aimais bien voir les Noratlas qui parfois venaient larguer leurs paras à Lyon (Corbas) quand gamin je faisais voler mes planeurs en balsa.
A la même époque on voyait aussi voler les DC3 de la Marine et les Transaux étaient modernes.

Avec l’Atlas par contre on a perdu le Nord... (C’était le message philosophique du soir...)

Re: Vous aimez le Noratlas ?

MessagePosté: Vendredi 7 Décembre 2018 09:01
de PhM
Il s'agit du Noratlas 146. Je l'ai découvert par hasard cet été et rencontré deux personnes qui œuvrent à sa restauration pour le maintenir visuellement propre au sol.
J'en parle ici :

https://www.facebook.com/plugins/post.p ... 1757123227

Re: Vous aimez le Noratlas ?

MessagePosté: Vendredi 7 Décembre 2018 10:46
de xtreme
Philippe PONS a écrit:...Il est aménagé en chapelle à l’intérieur.

Les hélices sont-elles en croix ??

Re: Vous aimez le Noratlas ?

MessagePosté: Vendredi 7 Décembre 2018 16:57
de JaÇum
Le camion citerne... c'était pour l'huile ?

Ok je ----->[]

Re: Vous aimez le Noratlas ?

MessagePosté: Vendredi 7 Décembre 2018 18:23
de PhM
JaÇum a écrit:Le camion citerne... c'était pour l'huile ?
Ok je ----->[]

Pour l'huile comme  pour le carburant, le Noratlas avait la réputation de bien boire.
Naturellement, en parlant de boire, je pense à un vieux colonel en retraite et ancien pilote de Nord qui m'avait marqué à ce propos.
Je nââârre :

Il y a une vingtaine d'années, je trainais mes guêtres plusieurs fois par semaine sur la plateforme de Toussus-Le-Noble. Je m'étais lié avec une figure locale, au caractère bien trempé, reconnue autant pour son expérience de pilote que pour sa propension à animer le repas à la cantine des avitailleurs du terrain. Je l'adorais pour deux raisons :
- Il était périgourdin comme moi
- il avait été pilote de la Grise avant de terminer au GLAM
Le périgourdin "pure race" est reconnaissable à sa façon de rouler les "r" et à honorer la dive bouteille en bonne compagnie.
Christian B, dit le colonel, était de pure race !
Ce qui ne l'empêchait pas d'être reconnu pour son savoir-faire auprès des élèves qu'il formait dans une école du terrain en vue d'être professionnels. Certes, l'après-midi il avait tendance à filer des beignes à l'élève qui suivait mal les aiguilles de l'ILS et à lui gueuler dessus. De ce fait, il avait eu droit au sobriquet commun d'Aigle 4 (prononcez-le en anglais et vous comprendrez).. Mais sa faconde, son "airmanship" faisaient oublier ses écarts, impardonnables de nos jours.
Et le Noratlas, dans tout ça ? me direz-vous.
J'y viens...
Je débouchais une deuxième chopine, et je mettais un Franc dans le bastringue :
- Ho ! Papy B., c'était comment le Noratlas ?
Il slurpait prestement son verre en Duralex, le posait d'un poc ! sonore sur la table et d'une voix tonitruante annonçait théâtralement :
- LE NORRRATLAS...AVION RRRUSTIQUE A POUTRRRES APPARRRENTES, BOIT PLUS QUE SON MECANO, MAIS RRREND PLUS DE SERRRVICES !
Et il ponctuait sa sortie par :
- Rrremets ta chopine, Mathiou !