Bonsoir,
J'ai deux ou trois notions sur la question des turbulences de sillage générées par les hélicoptères. J'ai la chance d'avoir de temps en temps l'occasion décoller avec un badin 0.
Le jour de l'incident, j'avais, assis à ma droite, de longues années d'amitié mais surtout plus de 7000 heures d'instruction sur voilures tournantes à turbines. Et le CRM fonctionnait très bien entre nous...
Le "perchoir" colmarien était valeureusement tenu par un contrôleur qui n'est pas réputé sur la plateforme pour son esprit fantaisiste.
Pendant le tour de piste, plusieurs échanges (à bord et avec le sol) ont portés sur le danger spécifique lié à la situation...
De surcroit, un petit évènement sur la plateforme nous avait amené, quelques jours auparavant, à nous interroger sur les questions de turbulences spécifiques générées par les hélicoptères lourds (le hasard).
J'avais revu les trois vidéos du post de "gma" (ainsi que d'autres) et échangé au téléphone avec un formateur de l'Alat chargé du "cours turbulences" à Dax.
Bref... tout était frais dans nos esprits.
Et malgré tout cela, on s'est foutu dans l'entonnoir.
Partant de là,
Option A = Quelle bande de brèles ! (Fermez le banc - sujet suivant...).
Option B = Analyse, échange sur la question...
Pour ceux tentés par l'option B, voici en vrac les quelques réflexions que je me suis faites suite à cet incident :- La séparation vis à vis du risque de turbulence de sillage relève de la responsabilité du pilote lorsqu'il a obtenu une clairance à vue. Cette première notion réglementaire n'est pas forcément à l'esprit de tous.
- Les combinaisons de cas (2 ou 3 minutes / L M H / Atterrissage - Décollage) ne sont pas non plus "communément partagées". J'ai entendu pas mal de versions différentes y compris de la part de FI ou de contrôleurs (faites le test sans arrière pensée... juste pour voir).
- Il est très difficile d'estimer une séparation en temps entre deux machines qui arrivent sous des trajectoires et avec des paramètres de vol différents (c'était notre cas). Un point de repère en finale, c'est trop tard si la séparation n'est pas suffisante... Le vortex est déjà dans le coin...
- Et pourtant... la séparation réglementaire à un sens. Elle intègre les cas de faibles probabilités qui définissent les limites d'une enveloppe de protection acceptable (ok... elle ne couvre pas forcement les cas extrêmes, mais c'est mieux que rien).
- La gestion de la séparation peut aussi introduire un effet tunnel. Dangereux dans la phase arrivée (cf la célèbre vidéo du TB 20 à Courchevel). C'est bien de l'avoir à l'esprit pour anticiper sur le choix d'une stratégie.
- La recommandation qui consiste à rechercher une trajectoire "coiffante" sur le précédent ne fonctionne que sur les pistes longues et à la condition que le pilote de l'hélico n'ait pas décidé de viser la mi piste. En pratique et vu les delta possibles entres les taux de descentes en finale... il faut bien être sûr de son coup.
- Le danger n'est pas physiquement matérialisé et dépend de facteurs multiples et interdépendants (aérodynamiques, météorologiques, géographiques, temporels...). Difficile de se représenter mentalement la situation.
- Point important : Les vidéos sur Internet décrivent majoritairement des cas se sont produits dans la minute qui suit l'émission du vortex en cause (env. 35 secondes pour le SR20 US). C'est déjà long une minute... Le phénomème dangereux dure dans certains cas bien plus longtemps.
- Dans notre cas, la séparation entre le posé du NH90 et la turbulence rencontrée à 200ft a été mesurée (sur l'enregistrement) à 2 minutes. Point à point, la séparation était donc de l'ordre de 2'20" environ.
- Sur une arrivée N° 2 en auto-info, (ce n'était pas notre cas) il n'est pas évident de classer d'emblée dans la bonne catégorie l'hélico situé devant. Ou alors il faut avoir une solide culture aéro... Le bon vieux Puma... quel poids, sans chercher ? Un EC 145 ?
- Le rapport du BEA sur l'accident de Valence précise que les turbulences de sillage générées par les hélicos peuvent s'avérer 8 à 12 fois plus fortes que celles d'un avion à masse équivalente. Il recommande une prise en compte de cette particularité au plan réglementaire. Cette recommandation n'a, à ma connaissance, jamais été suivie d'effet. Dommage...
- Les NH90, Merlin et autres 10 tonnes arrivent progressivement dans le paysage européen. Ils ne sont pas toujours que sur des terrains militaires. Les UH 60 ne sont eux, pas non plus près de s'en aller.. Les risques de rencontres amoureuses (de celles qui vous retourne un homme...) risquent de devenir proportionnellement plus fréquentes.
Voilà...
Comme me l'a recommandé "gma" je ne vais pas encombrer le fréquence avec un Retex dont l'intérêt est sans doute relatif. Je n'aime pas trop ceux qui apprennent aux autres à pisser droit et je vais donc essayer de ne pas tomber dans ce travers. Mais comme me le disait mon premier instructeur il y a quelques années (salut Fox) : "Apprendre par l'erreur, p'tit gars c'est l'idéal, mais souvient toi que tu n'auras pas le loisir de faire à ton compte toutes les conneries nécessaires. Inspires toi de celles des autres".
En résumé :
Nous étions parfaitement conscient du danger et nous l'avons malgré tout sous évalué.
Les turbulences de sillages générées par les hélicoptère sont bien plus perfides qu'on ne le pense.
Derrière, un hélico lourd, la règle c'est trois minutes. Nous n'étions pas dans les clous et cela a failli nous couter cher.
Trois minutes ça fait bien 180 secondes sur un chrono
et derrière une machine de 10 tonnes en air calme, ce n'est pas que réglementaire, c'est juste un minimum vital.
Pour ma part je veillerai à l'avenir a gérer ma séparation le plus en amont possible, au plus tard en milieu de vent arrière pour pouvoir dégager convenablement si nécessaire.
Dans le doute : trois minutes minimum.
Et si mon post ne sert qu'à un seul d'entre vous, je n'aurai pas perdu mon temps ce soir.
Bons vols.
La machine en question au premier plan.