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La seniora y la Caravelle

MessagePosté: Jeudi 19 Février 2009 01:19
de dob
Au dernier Restaurum, J'avais promis à mes voisins de table de mettre sur le
forum ce souvenir  de voyageur aérien:
Schipol  juillet 76, fin d’après-midi
Une chaude soirée d’été
Je rentre à Paris, après une journée de travail avec mon patron hollandais.
Vol Air France, à destination d’Orly sur Caravelle, un avion que j’ai beaucoup
aimé.
J’ai une place couloir,  à coté d’une dame d’un certain âge.
Chic, tailleur Cha*el pied de poule, foulard He*més, sac Vu*tton, je la salue
poliment et m’installe.
L’étiquette attachée à sa sacoche affiche un nom de noblesse hispanique.
Décollage.
L’hôtesse sert les plateaux repas, dehors le temps est gris, quelques
turbulences se font sentir.
Je me tourne vers ma voisine et lui demande si tout va bien. Elle semble à l’aise.
Dehors le ciel s’assombrit, les turbulences se font plus vives. Ayant mangé
rapidement, je regroupe les accessoires de nos plateaux repas sur la tablette
et garde une main dessus.
Je surveille ma voisine du coin de l’œil, constate que sa ceinture est bouclée.
Des traces d’eau filent sur le côté du hublot. Et puis un fort crépitement
tambourine sur la carlingue au dessus de nous. Ma charmante voisine se
tourne vers moi et me demande tranquillemnt « C’est bien la pluie que l’on
entend, jeune homme ? » j’ai juste le temps de lui répondre « Madame, je
crois que c’est de la grêle… »
Et hop, dans un mouvement d’ensemble parfait les plateaux repas, assiettes,
serviettes, bouteilles etc. montent au plafond, et lévitent quelques
secondes…
Stupeur, cris et hurlements accompagnent le fracas du retour de la gravité.
Spectacle de fin de repas de noces vers 5 heures du matin, tout en vrac partout.
Pas de blessés mais une consommation de sacs en papier impressionnante.
Des passagers apeurés réclament les hôtesses qui s’affairent pour nettoyer,
ramasser, et aussi réconforter une passagère fait une crise de nerf.
Annonce  au haut parleur :
« Ici votre commandant de bord, nous avons subi un trou d’air, tout va bien
maintenant. Nous arriverons à Orly vers xx heures. Un front orageux est
présent sur toute la Belgique, il fallait passer…nous l’avons fait »
Je me tourne vers ma voisine, qui est resté très calme pendant tout ce temps
et lui demande
« Madame, vous n’avez pas eu peur ? » et avec un  sourire lumineux, elle me
répond : « Oh non, pas du tout, çà, me rappelle quand j'étais jeune et que nous volions
avec mon mari dans la Cordillère ! »

Une sacrée génération...

Re: La seniora y la Caravelle

MessagePosté: Jeudi 19 Février 2009 10:00
de Peter
J'adore!!!

Re: La seniora y la Caravelle

MessagePosté: Jeudi 19 Février 2009 10:03
de Billy
Belle histoire ,

T'as pas demandé qui était son mari ..... et avec quel avion il volait ?

Re: La seniora y la Caravelle

MessagePosté: Jeudi 19 Février 2009 10:31
de Philippe Warter
Si sur l'étiquette il y avait ecrit Sandoval de Gomez, j'ai une idée de l'identité du mari.

Re: La seniora y la Caravelle

MessagePosté: Jeudi 19 Février 2009 10:37
de Duckman
En parlant de la célèbre SE210, une ch'tite particularité, c'est un des premiers jets à être équipé d'un détecteur de glace. Cela allumait une étiquette rouge nommée (ICE) évidemment et faisait sonner la célébrissime "one stroke chime" ou monocoup pour les français. Désolé, c'était la minute de paléontologie aéro.ImageImage
Le truc en question était assez pessimiste, mais dans le cas de la glace c'est pas plus mal.Image

Re: La seniora y la Caravelle

MessagePosté: Jeudi 19 Février 2009 10:43
de Salusse
Sympa le récit, merci. J'ai l'impression que dans le même cas, aujourd'hui, les avions d'Air France ne traversent plus les zones orageuses. Ces 15 dernières années, j'ai fait pas mal de Nice Paris et je n'ai jamais subit cette situation. Est-ce une règle ?

Re: La seniora y la Caravelle

MessagePosté: Jeudi 19 Février 2009 11:06
de Framboise
Je me souviens d'un vol de nuit, en 1980. Je partais au Kenya pour des vacances.

Le B 747 survole l'Egypte (à l'époque la Libye était interdite de survol), et, au dessus du Soudan, un orage éclate !

J'étais assise près du hublot (ma place préférée en avion)... Impressionnant !

On voyait, lors des éclairs, la profondeur de toute cette masse orageuse que nous traversions. On nous avait, bien sûre, demandé  de  garder les ceintures attachées.

Le Jumbo faisait des petits sauts, virait à droite, à gauche, pendant que étions dans partie supérieure de cet orage. Un Jumbot Jet, comme on le sait, ça vole "haut", et Dieu merci !

Au travers de ce hublot, ce jour là, oui, j'ai vraiment compris ce que pouvait signifier le mot "cumulonimbus" !

Re: La seniora y la Caravelle

MessagePosté: Jeudi 19 Février 2009 11:06
de Manu
Ca arrive encore de temps en temps : http://www.bea.aero/docspa/1996/f-tf960905/pdf/f-tf960905.pdf

Manu

Re: La seniora y la Caravelle

MessagePosté: Jeudi 19 Février 2009 11:25
de dob
Billy a écrit:Belle histoire ,

T'as pas demandé qui était son mari ..... et avec quel avion il volait ?


Pas eu le réflexe, l'esprit de la passerelle...

Pour Philippe: ce n'était pas Consuelo

Re: La seniora y la Caravelle

MessagePosté: Jeudi 19 Février 2009 11:29
de dob
Duckman a écrit:En parlant de la célèbre SE210, une ch'tite particularité, c'est un des premiers jets à être équipé d'un détecteur de glace. Cela allumait une étiquette rouge nommée (ICE) évidemment et faisait sonner la célébrissime "one stroke chime" ou monocoup pour les français. Désolé, c'était la minute de paléontologie aéro.ImageImage
Le truc en question était assez pessimiste, mais dans le cas de la glace c'est pas plus mal.Image


Puisque tu connais cet avion, as tu pratiqué le coup de pied sur le plancher pour déclencher le relais du train d'atterrissage  ?

Re: La seniora y la Caravelle

MessagePosté: Jeudi 19 Février 2009 11:47
de Duckman
dob a écrit:
Duckman a écrit:En parlant de la célèbre SE210, une ch'tite particularité, c'est un des premiers jets à être équipé d'un détecteur de glace. Cela allumait une étiquette rouge nommée (ICE) évidemment et faisait sonner la célébrissime "one stroke chime" ou monocoup pour les français. Désolé, c'était la minute de paléontologie aéro.ImageImage
Le truc en question était assez pessimiste, mais dans le cas de la glace c'est pas plus mal.Image


Puisque tu connais cet avion, as tu pratiqué le coup de pied sur le plancher pour déclencher le relais du train d'atterrissage  ?


Non, jamais fait, par contre  sortir le train en emergency à l'aide de la pompe à main ça oui. C'était pour la pomme du copi puisque le levier était à droite et il fallait pomper une centaine de coups pour sortir les chaussures et surtout les verrouiller. Il n'y avait que de l'hydraulique dans cet avion pour actionner la ferraille. C'était osé pour l'époque.Image

Re: La seniora y la Caravelle

MessagePosté: Jeudi 19 Février 2009 11:53
de Geneviève G.
dob a écrit:Puisque tu connais cet avion, as tu pratiqué le coup de pied sur le plancher pour déclencher le relais du train d'atterrissage  ?

Ce serait plutôt une spécificité du Mercure.Image

Re: La seniora y la Caravelle

MessagePosté: Jeudi 19 Février 2009 13:08
de dob
Pourtant un ancien CDB AF m'avait dit cela, et le Mercure c'était sur Air Inter je crois...Image

Re: La seniora y la Caravelle

MessagePosté: Jeudi 19 Février 2009 15:14
de Leon Robin
Il ne faut pas se fier aux apparences à propos de ses voisins en avion.

A une époque, un petit Mitsubishi faisait du Nice-Marseille pour attrapper les correspondances Air Inter, dans les années où Marseille était mieux desservi que Nice. Un soir où la météo était un peu agitée, je prends place sur le premier siège à droite avec vue imprenable sur le cockpit séparé par un simple rideau, réglementairement ouvert au décollage et atterrissage puisqu'il n'y avait pas d'hôtesse. Presque aussi bien qu'un jumpseat.

De l'autre côté de l'allée (plutôt "boyau"), un passager qui, affichant ostensiblement son habitude des voyages aériens, lisait assidûment son journal sans s'occuper le moins du monde de ce qui se passait ailleurs, tout en jetant cependant de furtifs regards quelque peu commisérateurs vers ce "passager novice" qui ne perdait pas une miette de l'activité dans le cockpit, depuis la mise en route jusqu'à la montée initiale. Là, le rideau s'est refermé, la sarabande a commencé et le "passager novice" n'ayant plus rien à observer a commencé à lire tranquillement son journal. Le voisin, lui, a replié le sien, commencé à transpirer et passé le reste du vol à regarder autour de lui avec une très visible inquiétude, pour ne pas dire plus.

Re: La seniora y la Caravelle

MessagePosté: Jeudi 19 Février 2009 23:24
de Pierre H.
L'histoire de Dob est très plaisante à lire, bien plus qu'à "entendre" au resto !
Quel est ce Mitsubishi marseillais ? Connais pas mais ça devait être délicieux comme vols ... Image


Voici mon histoire :






C'est un vendredi soir pluvieux. Après une semaine parisienne ordinaire, rythmée par le célèbre mais véridique "métro-boulot-dodo" (en staccato), je pose mon pied droit sur le plancher d'un Airbus A321.

Un ami qui m'accompagne et moi-même avons failli rater cet avion. C'est la première fois que je prends la ligne pour autre chose qu'un Paris-Marseille, et j'ai oublié que Londres n'est pas en espace Schengen. Nous avons donc perdu beaucoup de temps dans les dédales de l'aérogare aux divers contrôles (enregistrement, filtre sécurité, douane, embarquement, re-filtre sécurité ... !).

Je m'installe finalement sur mon siège. L'appareil est rempli d'anglophones, ce qui est très exotique pour moi qui ne connais que la France et l'Italie (vous parlez d'un comble pour un pilote !). Une annonce nous indique quelque chose au sujet de formalités de police à l'arrivée, mais je suis distrait et j'interpelle un peu honteusement le steward qui passe distribuer des cartons :

"Excusez moi ... je n'ai pas fait attention à l'annonce, est-ce que je suis concerné par ça ?"

"Non Monsieur je pense que vous vous exprimez dans un français trop parfait pour en avoir besoin !"

Je suis assi à côté d'une grosse dame qui me salue d'un sourire puis retourne à son baladeur miniature rose flashy. Nous décollons dans une atmosphère un peu turbulente. En passant le FL100 (extinction de la consigne "attachez votre ceinture") je me lève et traverse toute la longueur de l'appareil pour aller aux toilettes. En effet, parti directement du boulot avec mon sac pour le week-end, j'ai passé les deux dernières heures à courir derrière les bus et à sauter de RER en RER sans pouvoir soulager ma vessie qui n'est pas long-range. Je suis sidéré par la violence avec laquelle le pauvre contenu de la cuvette est évacué vers un monde inconnu (mais ce n'est pas le sujet). De retour vers l'avant de l'appareil je m'apperçois que le service a commencé. Les fortes turbulences aussi, j'ai du mal à tenir debout, et les divers chariots m'empêchent de progresser. Le commandant nous demande de nous rasseoir, ce que je ne peux pas faire. Une hôtesse m'interpelle alors, passager fautif que je suis, tandis que je lui fais comprendre par les gestes et la mine mon embarras.

Ouf enfin assis, il était temps, ça secoue. Malheureusement j'ai raté mon tour : je constate que ma voisine a hérité d'un appétissant plateau-repas et que le PNC chargé de nos rangs est bien loin et surmené. Deux cent passagers à servir dans les turbulences de quarante minutes de vol seulement, c'est du sport ! Alors que je m'interroge traditionnellement sur mon éventuelle reconversion professionnelle dans l'aviation commerciale et ma capacité à pouvoir énoncer tout le reste de ma vie "Mélange salé ? Biscuits sucrés ?", je vois ce soir un autre aspect du métier de steward. Je leur tire mon chapeau.

Une hôtesse passe nous servir du champagne. Je n'ai jamais connu ça sur la Navette Orly-Marseille ! De même que ces plateaux composés ... ! Je dois me rendre à l'évidence : lors de ma réservation je n'ai pas du tout fait attention et j'ai pris le billet disponible le moins cher, qui correspondait en fait à une sorte de classe un peu évoluée. Ma voisine a l'air tendue : son plateau est intact et elle donne l'air de se réfugier dans ses écouteurs comme une demande d'asile. Ca bouge sacrément, on se croirait en DR400 sous le Mont Ventoux par 40kt de Mistral. C'est dire !

"PNC maintenant on arrête le service en classe économique, retournez tous vous asseoir s'il vous plait, arrêtez le service"

Dans ma zone de nantis, le stew se débat contre les éléments pour abreuver les derniers passagers capables de réclamer quelque chose. Certes ça bouge, mais je lorgne sur le plateau de la dame ventripotente qui maintenant j'en suis certain est en train d'invoquer son Dieu légitime. En tant que pilote privé, pour répondre aux angoisses de ma voisine et aussi sûrement pour flater un peu mon égo, je tente de lui demander si elle se sent bien :

"Excuse-me ? Are you afraid ?"

L'oeil vague, elle me regarde en souriant pour me signifier que toute son attention m'est offerte. J'essaye de parler un peu plus fort, bien que peu sûr de mon anglais :

"Are you afraid ?"
- "What ?"

J'articule au maximum en prenant ma voix la plus claire :

"Are you afraid of flying ?"
- "What ?" Elle enlève ses écouteurs. Mon égo en a pris un coup c'est certain et je ne sais pas si j'oserai un jour reparler anglais.

Je souris et fais le choix d'un vocabulaire plus direct. "Are you ok ?"

Gênée, elle désigne son plateau repas. Je comprends qu'elle veut me le donner ! Le protocole vocal ayant échoué, elle revient à des méthodes plus primitives de communication en tentant le troc. La transaction effectuée, sécrétant des endorphines à gogo, mon cerveau rempli de sérotonine et ma confiance en moi retrouvée je tente à nouveau le dialogue :

"Are you afraid of flying ?"
-"What ?"
"No ... nothing nothing"
-"I'm not hungry, I ate before to come to the airport, I'm full"
"Ok ! Thank you very much !"

Et je souris de toutes mes dents pour marquer le coup au cas où elle n'aie rien compris.

Je l'observe du coin de l'oeil, elle est retournée dans son monde appaisant, peut-être le paradis mais ... terrestre. Je pense qu'elle me comprenait mais qu'elle n'avait pas envie d'avouer sa peur.
Les turbulences cessent et les côtes anglaises apparaissent. C'est con mais je suis ému. C'est la première fois que je vais tant au nord, la première fois que je traverse la manche, que je vais dans un pays étranger (vraiment étranger, parce que l'Italie ... finalement c'est comme Cassis ou Nice, ou Marseille, ou Briançon, selon les endroits).

Nous sommes en finale. L'agglomération londonnienne a l'air très grande. J'observe les rubans continus rouge et blanc des feux de voitures sur l'autoroute, et je me rends compte ... qu'ils roulent à gauche ! Je suis comme un gamin. En courte finale, ma généreuse donatrice sort de sa torpeur et fouille dans son sac pour en sortir un appareil photo. Précautionneusement, elle cadre le hublot furtivement puis rengaine l'objectif en reposant ses mains sur ses genoux, l'air innocente. Quelques instants plus tard elle réitère son geste et prend rapidement une photo de la zone industrielle que nous survolons (soit un écran noir parsemé de tâches claires et floues). Elle range son appareil dans son sac comme si elle avait effectué sa B.A. du jour et reprend sa pose pieuse. Nous touchons puis roulons une éternité sur les taxiways d'Heathrow pour rejoindre notre porte. A peine l'avion calé, ma voisine se lève et rassemble ses affaires comme une furie : un manteau, un sac à main et un attaché-case. Sans comprendre ce qu'il m'arrive elle m'éjecte littéralement d'un coup de postérieur (ou de ventre plus probablement) dans l'allée centrale et me passe devant ! Je suis sidéré ! Mais amusé.


Je suis en Angleterre. Let's the show begin
! Image