Delépine a écrit:Là tu m'expliques pourquoi il y a de l'U dans un type de bombe et du H 2 et 3 dans l'autre, U et H étant les 2 Z naturels extrêmes.
Je présume que c'est une réponse rhétorique !
Désolé ; quand tu as parlé du plus petit Z et du plus grand Z (sans citer de quels atomes tu parlais), j'ai compris hydrogène et uranium.
En relisant attentivement, je comprends que tu parlais de batteries et que les éléments cités sont le lithium et le plomb.
Ce n'était donc pas une question rhétorique.
Je vais quand même essayer de te répondre, et ce n'est pas par hasard que l'un est le métal solide le plus léger et l'autre l'un des plus lourds.
La batterie au lithium apparait à une époque où l'on maîtrise bien l'électrochimie, les contraintes de migration dans les électrolytes, les topologies de croissance des cristaux et des solides amorphes, etc.
Dans ce contexte, il n'est pas étonnant que l'on aie cherché à fabriquer une batterie à partir de l'un des éléments chimiques qui offrait le meilleur potentiel électrochimique pour la masse moléculaire la plus faible.
Les deux équations redox offrant la meilleure différence de potentiel (pour des molécules "simples") sont:
HN3 + e- + H+ <=> 3/2 N2 : 3.334 V
Li <=> Li+ + e- : 3.040 V
référence:
http://www.csun.edu/~hcchm003/321/Ered.pdfHN3 (acide azothydrique) est un gaz, donc impropre à la fabrication de batterie, et est hautement toxique (famille des gaz moutardes).
Donc, le lithium lui est préférable.
De plus, le lithium étant le troisième élément de la table de Mendeleïev, il fournit le meilleur potentiel électrochimique par poids moléculaire.
Ceci explique pourquoi le lithium est le matériau roi des batteries rechargeables modernes.
Toutefois, en 1859, année de l'invention de la batterie au plomb par Gaston Planté, l'utilisation du lithium pour une batterie était tout à fait hors de portée.
Cette utilisation requiert la maîtrise des techniques d'intercalation (alternance de couches monomoléculaires) et la maîtrise de la fabrication des polymères de lithium.
A l'époque de Gaston Planté, on connaissait plusieurs cellules galvaniques, qui transforment de l'énergie chimique en énergie électrique par mise à disposition d'une potentiel électrochimique sur un circuit extérieur.
Et on connaissait plusieurs cellules électrolytiques, qui transforment de l'énergie électrique en énergie chmique (exemple: électrolyse de l'eau).
Malheureusement, toutes ces cellules avaient une action non-réversible et ne fournissaient donc pas de batterie rechargeable.
Les principaux écueils à cette réversibilité sont:
- cellules produisant un gaz qui, par nature, interagit peu avec l'électrolyte pour participer à la réaction inverse.
- cellules produisant un sel insoluble, par nature, interagit peu avec l'électrolyte pour participer à la réaction inverse.
- cellules dont la cathode ou l'anode après oxydation ou réduction devient un solide non conducteur (la résistance interne augmente dramatiquement).
- cellules dont le courant électrolytique est fourni par le cation du métal de l'anode (déformation incontrolable des électrodes)
Le principal de ces problèmes est que, aussi bien l'anode que la cathode, doivent rester rester conductrices sous leur forme oxydée comme sous leur forme réduite.
Pour comprendre pourquoi le plomb s'est imposé, il faut (ré)expliquer ce qu'est un solide isolant, semi-conducteur, ou conducteur.
Les électrons d'un solide s'organisent autour des noyaux des atomes selon un empilement de couches.
Les couches de plus haute énergie (c'est à dire pour lesquelle l'énergie de liaison au noyau est la plus faible) sont la couche de valence et la couche de conduction.
Les couches inférieures à la couche de valence ne sont liées qu'à un seul noyau et elles ne participent donc pas à la cohésion du solide ; nous pouvons les ignorer pour cette discussion.
La couche de valence contient des électrons qui sont liés à un atome et à ses voisins les plus proches ; la couche de valence est donc responsable de la cohésion du solide.
La couche de conduction contient des électrons qui sont liés à l'ensemble des atomes du solide ; ses électrons peuvent passer d'un atome à l'autre sans changer d'état énergétique.
Lorsqu'un courant électrique traverse un solide, les électrons de ce courant sont au niveau énergétique de la couche de conduction.
Entre la couche de valence et la couche de conduction peut se trouver une "couche interdite".
Une couche interdite signifie simplement qu'il n'y a pas de solution à l'équation de Schrödinger pour des électrons dans ces niveaux d'énergie.
Les isolants sont des solides pour lesquels la couche de conduction est séparée de la couche de valence par une large couche interdite (6 eV ou plus).
Les semi-conducteurs ont une couche interdite plus étroite (entre 0.5 eV et 3 eV). A température ambiante, l'énergie thermique permet à un nombre restreint mais non-négligeable d'électrons de se trouver dans la bande de conduction.
Les conducteurs ont une couche interdite nulle ; c'est à dire que la couche de valence et la couche conductrice se recouvrent partiellement.
(Pour les capillotétratomeurs, entre 0 et 0.5 eV et entre 3 et 6 eV on a des mauvais semi-conducteurs et/ou des mauvais isolants).
Les métaux sont des solides bons conducteurs.
Dans le tableau de Mendeleïev, lorsque l'on passe d'un élément au suivant, on rajoute un électron, c'est à dire que la couche électronique se remplit, et on rajoute un proton, c'est à dire que les forces de liaison entre le noyau et la couche de valence se renforcent.
Il n'est donc pas étonnant que les éléments qui se séparent le plus facilement de leurs électrons sont les éléments pour lesquels la couche électronique suivante, plus éloignée, commence à se remplir.
Le tableau étant organisé selon les couches électroniques, il s'agit des colonnes les plus à gauche.
Ces donneurs d'électrons ont donc une couche de valence (la dernière couche en cours de remplissage) proche du niveau d'énergie libre, donc proche de la couche de conduction.
Les métaux sont les éléments suffisamment électropositifs (suffisamment à gauche dans la table) pour que leur couche de valence recouvre partiellement leur couche de conduction.
Il faut remarquer aussi que, plus les atomes deviennent lourds, c'est à dire aussi plus les couches électroniques s'empilent, et plus l'effet électronégatif de rajouter un proton dans le noyau devient relativement négligeable.
En résultat, on trouve des métaux de plus en plus "à droite" dans le tableau au fur et à mesure que Z augmente.
Revenons à nos batteries inventées en 1859.
Nous avons besoin de solides qui sont des métaux, et donc de bons conducteurs, aussi bien sous leur forme réduite qu'oxydée.
Il nous faut donc un métal avec beaucoup d'électrons de valence (pour ne pas redescendre d'une couche après oxydation) et qui soit bons conducteurs tout en étant fort "à droite" dans le tableau de Mendeleïev.
Ce métal doit donc être "lourd" et "à droite".
Voici une image du tableau périodique. Les métaux sont en jaune, orange, rose et vert émeraude.
Les métaux les plus "lourds" et "à droite" sont le plomb, le bismuth et le polonium.
Le polonium est radioactif et le bismuth est un semiconducteur plutôt qu'un conducteur (il est aussi très très faiblement radioactif au point que cette radioactivité a été découverte tardivement).

Cela nous laisse le plomb comme candidat.
Il a une résistivité relativement basse de 22 10^-8 ohm.m .
Le dioxyde de plomb (oxydation par perte de 4 électrons) est toujours un relativement bon conducteur; résistivité ~= 120 10^-8 ohm.m .
Les sels de plomb (nitrates, sulfates) sont mauvais conducteurs. Mais s'il s'agit d'une couche de surface baignant dans un électrolyte conducteur, la conductivité électrolytique est passable.
Tout ceci fait que la réaction d'oxydo-réduction
Pb + PbO2 + 2 HSO4- + 2 H+ → 2 PbSO4 + 2 H2O E° = +2.05 V
a été la première à fournir la base d'une batterie rechargeable en 1859.
Luc